--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au vingtième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Suite à ce petit interlude à base de Harry Potter et de grotesques loup-garous invisibles, divertissant certes mais guère utile dans ma recherche d'une forme d'invisibilité et de ce que le cinéma pourrait m'en préciser, je décidais de changer d'angle d'attaque. Puisque tous les films traitant d'un personnage invisible semblait concourir au navet, et puisque de toute manière je n'ai pas été très regardante sur les critères de sélection cette année, je décidais d'ouvrir le champ des candidats : Désormais, tout film parlant d'invisibilité, que ce soit un personnage ou une quelconque autre entité, serait le bienvenu dans le cycle. Puisque la thématique à chaque fois est de chercher des méchants, allons chercher du très méchant s'il le faut, de l’éthéré, de l'impalpable, des cauchemars sans forme et sans substance. Donc sans surprise, le film de ce soir est un film... de science-fiction. Bon. Mais pas n'importe lequel. La planète interdite est LE film, porte drapeau de toute une ribambelle de métrage illustrant ce que j'aime à appeler « le futur du passé ». Ces films de science-fiction à base de tableau de bord clignotant de mille boutons multicolores, de soucoupes volantes en forme d'assiette en carton et de robots marchants... comme des robots justement. Et le robot de ce soir n'est d'ailleurs pas n'importe qui non plus. Bref, La Planète Interdite, l'un de ces films de genre complètement culte à coté desquels j'ai malencontreusement réussi à passer jusqu'à aujourd'hui, et que je pensais encore devoir attendre pendant de longues années, jusqu'à un mois-robot pas du tout à l'ordre du jour pour le moment, me faisait l'immense honneur de s'inviter ce soir au cycle invisible, profitant du fait que la mention d'homme ai disparu de l'intitulé.
Et quelle formidable découverte. Cet élargissement de terrain me permettait aussi de retourner chercher des films plus loin dans le passé, de ces films qui ont au moins pour eux cette attendrissante ringardise qui leur est propre. Et La Planète Interdite en déborde. S'enorgueillissant d'effets spéciaux aujourd'hui complètement dépassés, je reste pantoise malgré tout face à ces décors peints d'une superbe fantaisie, à cette scène de téléportation aux couleurs chatoyantes, et surtout à cette créature de fin, d'une beauté folle. Le film fait ce qu'il peut avec les moyens dont il dispose à l'époque, et le fait avec une telle précision, une telle créativité, une telle justesse, qu'il n'a pas à pâlir ni devant ses contemporains, ni devant ses cadets. Certes l’œil aguerrit d'aujourd'hui voit les ficelles. Mais diable qu'elles sont belles à voir.
Le film a peut être un peu plus mal vieillit dans son propos. La notion de femme-objet exposée sans le moindre complexe me fait un peu grincer des dents, et j'essaye de sourire de ce travers qui consiste à écrire exprès des dialogues incompréhensibles pour donner l'idée que les personnages débattent d'un état de la science qui a dépassé le notre. Je n'aime toujours pas cet artifice, mais au moins La Planète Interdite a le mérite d'être un des premiers à le faire. Ni les savants trop savants, ni le robot trop robotique ni la jeune fille trop peu habillée n'empèchent cependant une intrigue férocement efficace, distillant minutieusement ses informations pour maintenir le spectateur alerte, sans l'empêcher ni de rire ni de s'émouvoir. Le twist final est un peu trop freudien à mon goût, mais si c'est le prix à payer pour cette créature si belle que je la vois encore se dessiner sur mes paupières quand je ferme les yeux, je l'accepte. Dessiner les contours d'une créature invisible par les ondes d'un champ de force déformé par sa présence, il n'y avait peut être que le futur du passé pour nous pondre une telle idée, mais bon sang tout concorde au moment de grâce, de l'idée justement de la faire se dessiner sur le champ de force, à la précision artistique de l'animation qui la met en image, à la tension dramatique dans laquelle nous a ammené le film jusqu'à ce moment là.
J'ai bien fait d'ouvrir le champ des possibles. Même si je ne crois pas que l'homme que je recherche soit la personnification du Ça d'un savant fou, j'aime bien l'idée d'un dédoublement de personnalité complet, psychologiquement et physiquement. Et puisque l'enveloppe physique ne peut se multiplier, il faut bien que ce qui s'est détaché se mette à exister différemment. Et inversement, si mon homme a réussi à faire disparaître au moins un aspect de son enveloppe physique, sa dimmension visible, il faut bien peut-être qu'une partie de sa psyché se soit décollée en même temps. Parmi les dernières paroles du vendeur de potion, il a mentionné que l'homme, les rares fois où il le visitait, lui échangeait une potion d’invisibilité très diluée contre de puissants régulateurs d’humeur. Je suis donc très certainement à la recherche d'un dingue, et La Planète Interdite vient peut-être de me livrer une piste intéressante dans la question du pourquoi. Mais un autre problème se pose : mon amie sorcière m'a fait savoir que sa communauté est absolument furieuse que j'ai mis hors jeu le vendeur de potion. Si je ne veux pas me faire sauter à la gorge dès que je mettrais la patte dehors, il va falloir que moi aussi je me dégote une cape d'invisibilité.