Très librement inspiré de la pièce de théâtre La Tempête (1611), de William Shakespeare, et grand classique de la science-fiction au cinéma, Planète interdite jouit depuis maintenant plus d'un demi-siècle du statut d'œuvre-culte. Première réalisation du genre à proposer un récit se déroulant sur une planète hors du système solaire, ce film inspira beaucoup la célèbre série TV Star Trek (1966-68) sur le concept de vaisseau spatial militaire dédié à la découverte et à l'exploration (1), ainsi qu'un des personnages les plus célèbres de Perdus dans l'espace (1965-1968) mais aussi l'épisode Planet of Evil de Docteur Who (1963-1989) (2). Tourné à la fois en couleurs et en cinémascope, Planète interdite reste parmi les films de science-fiction qui ont le plus marqué le genre comme leur époque.
Car une fois passé le stade de l'introduction du récit, somme toute bien classique, voire franchement cliché, du moins pour ceux d'entre nous habitués à une science-fiction solide, ce film ne s'égare jamais dans de l'action gratuite à base d'effets spéciaux tapageurs mais au contraire n'hésite pas à utiliser de telles techniques narratives et artistiques pour mieux explorer des aspects pour le moins sombres de l'âme humaine. Les seuls extraterrestres que vous trouverez ici sont bel et bien morts, depuis une éternité d'ailleurs, et l'unique monstre que vous verrez conserve un aspect d'autant plus humain qu'il n'a même pas conscience d'en être un. De ce jeu entre le fond et la forme, Planète interdite tire toute sa substance à travers une intrigue située quelque part entre l'aventure et le thriller.
Ce film réussit un tel coup de maître en se basant sur le concept psychanalytique de « la part d'ombre » – cet archétype démontré par Jung qui représente une partie de la psyché formée de la part individuelle refoulée et qui se trouve à l'origine de nombreux conflits psychiques – c'est-à-dire ce qu'on appelle prosaïquement le double maléfique. Ici, le monstre s'avère d'autant plus horrible que sa part consciente reste aussi exquise que paisible : sous bien des aspects, en fait, il est victime, à la fois de lui-même mais aussi de l'éducation prodiguée par un système dont les souhaits n'étaient certainement pas ceux-là – en formant un esprit à la curiosité, à l'inventivité et à la découverte, cette éducation a en réalité accouché d'une horreur sans nom, capable d'anéantir une civilisation entière.
Malgré tout, le propos se veut ici plus lucide – voire cynique – que pessimiste : il nous rappelle que la quête de savoir doit se doubler d'une éternelle vigilance, et que connaître ses propres limites reste la prudence la plus élémentaire dans de telles recherches. C'est donc un discours éternel, celui de la nécessité de la modestie dans l'exploration et la découverte de la nature – y compris, et surtout, la nôtre.
(1) David Alexander, « Star Trek » Creator: Authorized Biography of Gene Roddenberry, Boxtree, ISBN 0-7522-0368-1.
(2) A Darker Side, documentaire sur le DVD de Planet of Evil (Docteur Who, saison 13, 1975-1976).
Notes :
Planète interdite reste à ce jour l'un des rares films où les prénoms de la version française se virent francisés – Oliver devenant ainsi Olivier, etc.
La bande originale et les effets sonores que créèrent Louis et Bebe Barron n'utilisent que des sources électroniques et jouèrent un rôle important dans la diffusion de la musique électronique auprès du grand public, surtout aux USA.
J. Michael Straczynski, créateur de la célèbre série TV de science-fiction Babylon 5, a été annoncé le 31 octobre 2008 comme l'auteur chargé d'écrire le script du remake, actuellement en cours de production, de Planète interdite. Aucune date de sortie ni même de début de tournage n'a été annoncée à ce jour.