Le magma sonore angoissant de Louis & Bebe Barron ouvre avec étrangeté le voyage vers cette Planète Interdite, véritable sésame sur une œuvre séminale de la SF au cinéma, à la beauté chatoyante et délicieusement désuète.
Découvert tout jeune, grisé par les fascinantes lignes de perspective de ces superbes peintures sur verre qui nous illusionnent tout un florilège de décors immenses, happé par le vertige des distances énoncées, et des nombres et puissances multipliés à l’infini, Planète Interdite est un pur concentré d’émerveillement.
Avec son esthétique savoureuse et colorée, quelque part entre Chesley Bonestell et Chuck Jones, ses superbes intérieurs art-déco, ses extérieurs aux teintes préhistoriques dignes des fresques de Zallinger, ce monument oublié de la science-fiction est un véritable écarquilleur de mirettes.
Avec l’âge, le film a su révéler d’autres atours tout aussi précieux : la plastique de la sublime Anne Francis donnant sensualité et insolence à son Altaira, petit affront d’indépendance à une Amérique paternaliste empreinte de puritanisme et de misogynie, le plaisir cocasse d’y voir Leslie Nielsen – l’éternel Lt. Frank Drebin – dans un rôle assez jeune premier et - surtout - sérieux.
Et par-dessus tout, c'est la richesse de son scénario qui surprend, conjuguant au futur Jules Vernes, Shakespeare et Jung comme pour y annoter - en marge de ce chatoiement visuel - une belle fable écrite en ombre sur cette violence latente qu’il faut apprivoiser, sur l’arrimage toujours périlleux d’une conscience sur les rivages des fantasmes, et sur ce Mal souterrain qui règne sur cette planète des songes, inconsciemment avalisé par le besoin qu’à l’Homme de contrôle, de liberté et de possession.