La guerre entre deux sergents de l’armée américaine, dans le cadre de la guerre du vietnam. Une guerre en écho à l'autre guerre, une guerre - miroir, une double guerre, une guerre entre deux hommes, et donc une guerre entre deux clans. Une guerre psychologique, « contre soi-même ». Et comme le dit bien « Oncle Charlie » à la fin du film : « nous nous sommes battus contre nous-mêmes ». Toute la substance du film est condensée dans cette phrase : la guerre est un truc qui nous dépasse, un truc où il faut se dépasser pour survivre, sinon on y reste. Il faut s’y transcender, s’y crever, en chier, il faut se faire la guerre à soi-même, "se battre contre soi-même ».

« Platoon » est l’un des meilleurs films des années 1980, un truc de « mecs », un truc de « durs ». L’histoire d’un soldat idéaliste, issu d’un milieu « aisé » et nanti. Le boy part en croisade, pour damner le pion au Viêt-Congs et consorts. Dès qu’il y met les pieds, c’est une vraie gonzesse. Il se heurte à la gente masculine de son régiment, dure, âpre, violente, virile, grossière, mais juste. Si tu mouilles le maillot, tu mérites le respect, sinon …tu crèves d’une balle perdue. Et pas d’écarts svp, pas de fioritures, pas de coups bas, sournois, pas de tricherie. En jungle, c’est impossible. Authentique ou rien. Et pas de prétextes ; voilà ce que « Bunny »en dit : « les prétextes c’est comme les trous du cul, …tout le monde en a un mec ».

Après une entrée en matière qui relève plus pour "Charlie" du dépucelage que d'une « intégration » proprement dite dans le groupe de marines , le scénario s’oriente du côté d’un affrontement, celui de deux sergents du régiment, deux vétérans ayant des visions, des approches différentes de cette guerre où l’armée américaine s’est enlisée. Deux personnalités charismatiques et extraordinaires, campées par deux acteurs en état de grâce : « Barnes », interprété par Tom Berenger dans le rôle de sa vie. Et « Elias » (Willem Dafoe), ovationné lors de sa nomination à l’oscar du meilleur second rôle lors de la cérémonie des oscars en 1987. Même si ces deux acteurs n’ont pas eu la récompense méritée, le succès et la reconnaissance étaient au rendez-vous.

Cet affrontement physique et psychologique entre les deux clans qui gravitent chacun autour de leur sergent préféré, ronge viscéralement de l’intérieur le groupe de marines, tel un poison, un virus sans nom, une malaria de rivière Viêt-Cong. Il n’est plus question de guerre au Vietnam, mais d’élection politique pour choisir un chef suprême. Sauf que, à la guerre, et à « la guerre dans la jungle » l’élection d’un chef est très dure, c’est la loi de la jungle. Et le vrai vainqueur, qui est aussi vaincu, a une curieuse façon de gagner.

Stone s’est basé sur sa propre expérience du Vietnam, et s’est en outre octroyé les services d’un vétéran de cette guerre, notamment pour que les acteurs assimilent au mieux la gestuelle, les comportements et le langage (bref la culture) des marines qui vivaient le « merdier ». C’est l’un des éléments qui donne de l’authenticité au récit, en plus de la qualité du son, majestueuse friture des bruits de grillons, criquets et autres saloperies de la jungle. Evidemment la réalisation est exemplaire, et Stone gagna son oscar à juste titre d’ailleurs. La richesse et la variété des plans composent un montage de qualité dans lequel on s’immisce facilement.
Parmi les grands moments du film, la mort d’un soldat (l’affiche du film – à peine un « Spoil ») au ralenti, la venue du groupe de soldats dans un village, ou encore la fête improvisée des soldats, fumant des pétards, sous les accords de guitare hypnotisant de Jorma Kaukonen, « White Rabbit ». Et une multitude de séquences de dialogues mémorables. Exemple, avec Bunny se confessant à Junior : « J’aime encore baiser de temps à autre. Rien de tel qu’une bonne bourre. Sauf un match de baseball ». Ou Rha qui fait la morale à "Oncle Charlie" : « Et réfléchissez à ça, tas de cons. Barnes rien ne peut le tuer. La chose qui tuera Barnes, c’est Barnes !! »

C'est un drame magnifique. Un drame d'une puissance rare. Lorsque retentit la musique de Georges Delerue à la fin, on peut pleurer et rembobiner.

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le 18 avr. 2013

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Errol 'Gardner

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