Le plan que je trouve le plus beau du film, cette touriste qui s'attarde sur un reflet de la tour Eiffel dans une porte vitrée alors qu'on veut lui faire visiter un marché ou l'on vend tout et n'importe quoi.
Il y a dans Playtime tout ce que développe Tati depuis son premier film, l'organisation de la vie et de l'espace à vivre comme mécanisme de déshumanisation, Mr Hulot intervient comme toujours en désorganisateur humanisant tout sur son passage. Tati en homme éclairé invente avant tout le monde l'open space qui contrairement à son nom sépare les hommes au lieu de les rapprocher. Tout comme ces façades de verre qui deviennent un labyrinthe ou tout devient compliqué, pourtant Tati n'a rien d'un réactionnaire opposé à la technologie, il voudrait juste comme Chaplin avait pu le dire dans son discours à la fin du Dictateur que le progrès technique serve les Hommes, les rapprochent. C'est sans doute dans cette optique qu'il crée cet univers froid, où tout est symétrique ou fausse piste à cause de reflets, les gens se croisent mais n'échangent pas. Les touristes eux sont comptés, aiguillés comme s’ils étaient incapable de prendre une décision, c'est dans cette optique que la touriste américaine un peu à l'écart du groupe est perdue, elle souhaite prendre son temps mais le bus l'attend. Plusieurs fois elle croisera Mr Hulot qui déambule selon ses envies et les gens qu'il croise.
Pour vraiment se rendre compte du génie de Tati sur un tel film il faudrait faire un arrêt à chaque plan pour saisir tout son langage. La richesse de son film me dépasse, je trouve aussi une ou deux longueurs notamment lorsqu'il est dans l'appartement donnant sur la rue. Mais c'est si peu de choses, surtout au vu des innombrables idées de génies qui parcourent le film , comme le portier et sa poignée, grand moment de non-sens.
Et une fois de plus Tati soigne sa fin, c'est un échange, monsieur Hulot est sous le charme de cette touriste qui n'aime guère jouer les moutons, ils se disent au revoir alors qu’ils ne se reverront sans doute jamais, c'est assez touchant.
Ca ne m’étonnerait pas que dans 10 ans, j'ai vu 10 fois ce film, comme Mon Oncle ou Jour de fête d'ailleurs.