Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "un réalisateur = un film."
Scénario :
24 heures dans de grands ensemble modernes issus d'un Paris déshumanisé des années 1960, on y suit vaguement une jolie touriste américaine et Monsieur Hulot.... et puis... ils se baladent, cherchent des gens, en croisent d'autres... mais bon.... on s'en fout du scénario.... regardez moi plutôt ces plans de dingues !
En tant que sujet d'étude :
"Playtime" est un bon sujet pour analyser la réalisation de Jacques Tati : c'est son film le plus célèbre et son pari le plus risqué étant donné qu'il a carrément construit tout un faux quartier de Paris afin de pouvoir filmer des plans avec des jeux d'intérieur et d'extérieur. Je n'ai appris cette chose qu'après avoir vu le film, dans les bonus ce qui m'a fait dire "ha ouais, le mec !" J'étais relativement étonné car pas un moment je ne m'étais posé la question de la façon dont cela avait été filmé.
C'est le premier film de Tati que je vois, mais j'avais tellement entendu parler de son style particulier, que je savais à peu près à quoi ça ressemblait. J'ai quand même réussi à être étonné par la force du cadrage, chaque plan à la même composition qu'une photo bien foutue et la façon dont TOUT (notamment au début) semble être millimétré au poil de cul près. Tati comparaît le cinéma à la peinture et effectivement c'est le cas, surtout avec des plans d'ensemble incroyablement bien composés (merci la caméra 70 mm.)
Il faut dire que j'ai vu l'édition Blu-Ray et ça te pète à la figure sur la façon dont c'est bien travaillé. On a l'impression d'avoir une fenêtre ouverte sur une rue des années 60, ce qui est augmenté par le fait que les acteurs sont quasiment tous inconnus et quasiment tous à cheval entre le second-rôle et le figurant. Je m'attendais presque à voir des acteurs de Mad Men passer en arrière plan.
Du coup, ce qui m'a fasciné n'est pas tant le dispositif ou la mise en scène, mais le genre même de ce que fait Tati : du comique visuel contemplatif. J'ai rarement vu ça. En règle général, un film comique tentera de te montrer avec des gros plans, la mise en place des gags. Ici, c'est au spectateur de faire le lien, apportant rapidement un sourire. De l'autre côté, le contemplatif tente de ne jamais apporter de sentiment et reste un genre exigeant où l'on approuve les silences.
Ici, ça n'est jamais silencieux (sauf pour un gag de porte...) et il y a un travail ultra-travaillé du son en post-prod (ce qui est parfois un poil flagrant, j'ai eu l'impression d'entendre un film "doublé en français" alors que c'est un film français....) Ici Jacques Tati tente presque de filmer la vie et après avoir commencé sur un constat pessimiste avec une automatisation du monde dans de grands immeubles gris, l'ensemble devient de plus en plus joyeux, montre les différentes classes qui se mêlent et offre une fin qui se termine sur une sorte de regard amusé sur le "grand manège de la vie."
Ayant vu "La Party" il y a peu de temps, le rapport entre les deux films m'a beaucoup sauté aux yeux, notamment :
La fête de riches coincés qui devient peu à peu un mélange de toutes les classes sociale suite à la destruction du décors. Ha et les gags à base de serveurs qui font des conneries en arrière plan...
Ha, et on a aussi le fait qu'il n'y ai pas d'intrigue amoureuse à tout prix, mais juste un personnage principal qui se conduit en gentleman après avoir rencontré une jeune femme dans une soirée avec laquelle il s'entend bien. Dans Playtime c'était une américaine en France, dans The Party c'est une française en Amérique.
Ce qui renforce mon admiration pour Blake Edwards qui arrive à faire un hommage à Jacques Tati tout en restant dans les codes de la comédie américaine.
Mon avis personnel :
J'ai bien aimé. Mais il m'a fallut m'y reprendre à quatre fois.
Notamment, parce qu'il n'y a pas vraiment de scénario à ce film et je sais qu'au bout d'une heure, ma copine, avec laquelle j'ai commencé à le regarder m'a dit quelque chose comme "ok, c'est bien beau tout ça, mais c'est long." J'ai repris le film par petites tranches de vingt minutes et c'est vrai que s'il est beau et sympathique, le fait que ce soit un film qui fasse "sourire" plus que de rire, qu'il faut parfois être attentif pour voir le gag dans l'image et qu'il comporte des gags sans vraiment de chute en fait un film exigeant.
Néanmoins, je ne me suis pas ennuyé et moi qui aime les gags d'arrière plan, ce film était comme une piñata qui avait explosé à ce niveau là. Et surtout, je me dis que plus personne n'oserait faire ce genre de film maintenant. Franchement, vous imaginez quelqu'un qui oserait sortir un film avec des acteurs totalement inconnus, un fil narratif peu clair, quasiment pas de gros plan et des gags qui sont à retenir en arrière plan ?
Il faudrait peut-être que je vois le film de Sylvain Chomet, l'Illusionniste, tiens.