Pleasantville par Roland Comte
Un ado, David (Tobey Maguire) est fan d'une sitcom des années 50 en noir et blanc, où tout est merveilleux, rêve de se retrouver dans sa série favorite où tout est parfait : le mari travaille, quand il rentre du travail, sa femme à la mise en plis impeccable l'accueille avec un drink, le frère et la sœur sont des enfants modèles, bref, un monde idyllique très différent de celui de David, adolescent moyen, naïf, rêveur, qui passe son temps à se chamailler avec sa sœur jumelle, Jennifer (Reese Witherspoon), impertinente et branchée, qui vit à fond son époque.
Jusqu'à ce qu'un étrange vieux bonhomme, qui se présente comme un réparateur de télé, ne donne à David une bizarre télécommande qui va les projeter, lui et sa sœur, à l'intérieur de la série. Les voilà obligés de vivre à Pleasantville. Au début, David est ravi. Sa sœur bien entendu déteste et le rend responsable de la situation dans laquelle ils se trouvent puis, à la différence de son frère, elle y prend goût. Au contraire, David, qui aurait dû être enchanté de cette situation, se rend très vite compte que tout n'est pas aussi parfait, à Pleasantville, qu'il le croyait : non seulement on n'y trouve pas la technologie à laquelle il est habitué dans son monde mais ils s'aperçoit aussi que Pleasantville n'est rien d'autre qu'une apparence, un décor de cinéma. Mais il n'y a pas que cela : tout y est figé, immuable, et faux, y compris les sentiments. On a une curieuse impression devant cette situation complètement artificielle. Le film fait un peu penser à la série culte anglaise "Le Prisonnier" avec Patrick McGoohan où, inlassablement, la même situation se répète à l'infini. En réalité, Pleasantville, au lieu d'être un rêve, est un cauchemar.
David ne peut supporter cela et il essaie, en toute bonne foi, de faire évoluer ce monde. Et Pleasantville commence à changer. Ce changement se traduit par l'arrivée de la couleur dans ce monde où tout était jusque-là en noir et blanc. Le changement est discret au début : cela commence par une rose dans une haie, puis ce sont les vêtements qui se colorent, puis les enseignes... et enfin les personnages. Et en se colorant, ils changent aussi : leurs sentiments changent et le petit monde parfait est remis en question.
La réaction de Pleasantville ne se fait pas attendre. Comme toute société figée, elle se refuse à changer et considère les responsables de ce changement comme de dangereux révolutionnaires.
Un film qui fait réfléchir : bien au-delà d'une simple comédie loufoque, il est une fable sur le racisme, sur la remise en question des idées acquises, sur le danger, pour une société établie, de penser et d'agir différemment, etc.
Esthétiquement, le film est aussi un chef d'œuvre grâce au passage insensible du noir et blanc à la couleur, procédé que je n’avais jamais vu, à ce jour, utilisé avec autant de raffinement et d’intelligence.
À propos du film
Le film a été entièrement tourné en couleurs, puis retravaillé numériquement pour les scènes en noir et blanc. Il détint brièvement le record du plus grand nombre de plans à effets spéciaux jusqu'à la sortie de Star Wars, épisode I : La Menace fantôme en 1999.
Lorsque Betty Parker devient « colorée », son fils Bud la maquille en noir et blanc. En réalité, il s'agissait d'un maquillage vert dont les teintes ressortaient convenablement en noir et blanc. Inversement, lorsque Bill lui ôte son maquillage, le visage de l'actrice était intégralement maquillé en vert.
Les deux livres que Bud lit aux adolescents sont Les Aventures de Huckleberry Finn et L'Attrape-cœurs (Catcher in the Rye), deux des livres qui furent longtemps victimes de la censure aux États-Unis.
Ce fut le dernier film de l'acteur J.T. Walsh qui mourut 8 mois avant la sortie du film.