Pleasure est une plongée dans l’industrie du porno. Une partie du film reprend ce qui a déjà pu être vu dans des documentaires comme Hot girls wanted, l’autre partie, davantage scénarisée, s’attache elle, à illustrer l’accession au rang de star du milieu : c’est la partie politique du film - une partie qui véhicule un discours, à la fois féministe et anti-capitaliste, que l’on aura le droit de trouver ambigu.
Le discours féministe d’abord, consiste à dire que les femmes doivent réinvestir le milieu pornographique en luttant contre la domination patriarcale qui asphyxie trop souvent leurs conditions de travail et qui déforme et dégrade l’image de la femme. Pourtant, et c’est la première ambivalence de Pleasure, le film illustre ce discours en usant et en abusant d’images dégradantes, en se servant allègrement de l’esthétique des clips de rap et en jouant de l’hypnose provoquée par les images trash. Ce double discours apparaît notamment dans la scène la plus frappante du film : Ninja Thyberg, filme une séance de tournage « rough » qui vire à l’agression sexuelle, de la manière la plus crue possible, et souhaite (on l’imagine) dénoncer à travers ces images, les tournages pornographiques qui vont aux limites de la performance physique et psychologique - seulement les moyens qu’elle utilise pour le faire sont paradoxalement les mêmes : comme si pour une même performance d’actrice, la parole du cinéma était pure, et celle de la pornographie, impure. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.
Le discours anti-capitaliste ensuite, atteint son apogée avec une prise de conscience de son héroïne : celle-ci refuse de répéter un schéma de domination qui se base sur le pouvoir économique, la violence psychologique et le fait d’écraser les plus faibles. Sauf que le film, avant d’arriver à cette conclusion, nous aura d’abord présenté le petit guide pratique de la réussite en entreprise. Bella Cherry prend le pouvoir en étant plus mature que ses colocataires, en étant courageuse, résiliente, méthodique et en construisant progressivement son réseau : de vraies qualités dont personne ne devrait avoir honte pour réussir dans la vie. Là aussi, on est dans l’ambivalence. Où se termine la compétition saine ? Et quand doit-on commencer à s’émouvoir de la violence du système ?
Pleasure montre ce qu’on ne voit pas dans le porno et en soi, c’est déjà assez pour en faire un bon sujet de film mais il faudra alors accepter les ambiguïtés entre ce qui est dit dans le texte et ce qui est montré à l’écran. La pornographie est un univers fantasmatique, qui s’attache à simuler des rapports de domination outranciers, pour que d’autres personnes, en les regardant, puissent faire la catharsis de leurs pulsions. Clore son analyse du milieu par un « happy-end » moraliste qui se rebelle contre ce système, c’est tomber dans un discours un peu naïf et faire accoucher le film d’une souris : effectivement, quand ce qui était notre passion devient notre moyen de subsistance et se heurte aux réalités d’un système économique, il arrive souvent qu’on cesse d’y prendre du plaisir.