Un film réaliste ? Mouais…surtout quand ça l’arrange.

Un film plein de bonnes intentions, qui en honore certaines, et qui en loupe beaucoup d’autres.


Lorsqu’il nous montre l’envers du décor de l’industrie pronographique, je le trouve réussi. On nous montre comment sont castées les actrices, quelles sont leurs relations avec leurs agents, comment elles vivent entre elles à L.A, et aussi comment elles peuvent constituer des petites équipes rapprochées autour de certains gros producteurs. On nous montre le côté self-made et amateur des petites boites de prod, les préparatifs d’une scène, les négociations et discussions autour d’une pratique, etc. Tout ça est intéressant. En revanche, pour justifier cette excursion quasi documentaire, il a bien fallu imaginer une histoire, et c’est là que le film montre ses faiblesses.


D’abord, on sent qu’il veut nous raconter une histoire d’apprentissage : une jeune actrice qui va gravir les échelons et traverser différentes épreuves pour y parvenir. Sauf que le film passe trop vite, l’ascension est presque fortuite, on n’y croit guère. Il aurait fallu plus d’ampleur. Peut-être un film de trois ou quatre heures. Pourquoi n’ose-t-on plus les films longs ? Pour ce genre d’histoire, c’est nécessaire. Là, forcément, le récit est obligé d’emprunter des raccourcis, d’aller rapidement vers sa conclusion, et d’écraser ce qu’il aurait dû rendre grand. Dommage.


Ensuite, le plus gros défaut, ce sont les choix d’écritures qui font de l’héroine une femme parfois déterminée, parfois candide. Un coup, elle est prête à trahir ses amies, à agir au culot en contactant un producteur célèbre. La scène d’après, elle découvre que oh mon dieu, une scène “hard” peut être …..hard ! La meuf découvre le porno en fait. Quand elle arrive sur un tournage, t’as l’impression qu’elle n’a jamais vu une scène X. Ah bon, il faut sucer une bite ? Ah bon, on doit m’attacher pour une scène sado-maso ? Ah bon, je dois me laisser gifler ? Bah oui, t’as signé un contrat. Renseigne-toi un peu !


La meuf débarque complètement. Elle se retrouve dans des tournages difficiles, comme si elle ne savait pas ce qu’elle foutait là, alors que la scène d’avant, c’est elle qui décidait de faire du hard. Et ça, franchement, ça m’a sorti du film. Ce qui est marrant, c’est qu’on nous montre combien les hommes autour d’elle sont intentionnés, patients, à l’écoute. Et ce, pour TOUS les tournages. Même celui avec les jeunes mecs qui la giflent et la violentent, se déroule de cette manière. Une fois la caméra éteinte, les mecs sortent de leur jeu, redeviennent normaux, s’enquièrent de sa santé. Mais oui, on est quand même dans un monde professionnel, donc oui, il va falloir la finir cette scène. Donc contrairement à ce que j’ai lu à droite à gauche, non le film ne parle pas d’une domination masculine, du moins pas sous cette forme, car les hommes sont au contraire les personnages les plus tendres du film.


Ce qu’on nous montre surtout, c’est la compétition tacite entre les actrices. Et la compétition poussée par le système lui-même : pour se faire remarquer, il faut prendre des risques, et se soumettre aux exigences du consommateur. Si sexisme il y a, il se trouve ici, sous une forme plus insidieuse, plus difficile à définir et à défaire. Les actrices sont les pires garces entre elles, parce qu’elles sont des produits qu’on associe et qu’on confronte, comme des bestiaux. Le porno est violent parce qu’il est une industrie du sexe, point. Pas parce qu’il est le fait des hommes. On nous montre d’ailleurs que, bien qu’il y ait beaucoup d’hommes dans la production, il y a aussi des femmes. Après tout, le tournage bondage est initié et réalisé par une femme, qui n’exige de ses acteurs pas moins que les hommes.


Tout cet aspect là est fort intéressant, mais malheureusement c’est comme s’il était sans cesse désamorcé par la nature candide de l'héroïne. Et le film semble alors tenir deux discours contradictoires. D’ailleurs il se termine de manière abrupte et ridiculement facile sur le départ de l'héroïne. Elle quitte une voiture qui l’emmène symboliquement vers sa réussite (la scène d’avant, elle a littéralement écrasé sa concurrente). Elle sort d’une voiture, comme prise de remords, décidée à quitter cette industrie. Du moins c’est ce que la scène laisse croire, car le doute est permis. Et son geste arrive comme ça, sans trop y croire. Juste histoire d’avoir un geste fort, mais un geste commandé par un sous-texte, la réalisatrice voulant nous dire : “m’voyez ? maintenant je vais faire de mon héroine une âme moralement sauve, trop fragile pour ce monde”. Oui bon, ok, du coup tout cela sonne un peu faux. Et c’est ainsi pour mille petits détails qui traversent le film : l’écriture de l’héroine est trop facile, car elle ne cherche plus à montrer la réalité, mais cherche au contraire à faire porter un message moral et faussé sur les épaules de son héroine.

-Alive-
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