"Poetry" est un pur miracle de cinéma, qui nous redonne la foi en "la mise en scène" - de nos jours négligée au profit de la toute-puissance scénaristique - et en "l'interprétation" : à partir d'un sujet mélodramatique et sordide (les tourments d'une femme vieillissante dont la vie semble se déliter, et qui trouvera en la poésie une manière sinon de vivre, mais tout au moins d'affirmer une vraie morale), Lee Chang-Dong a réussi un film d'une grâce infinie, d'une justesse permanente, d'une précision étourdissante, un film dont on sort à la fois brisé et paradoxalement rasséréné. Face à l'horreur sans nom - de la société veule et corrompue, des instincts les plus bestiaux, de la dégradation irréparable du corps avec l'âge -, "Poetry" nous rappelle qu'il est toujours possible de trouver les mots qui éclairent, conjuguant justice et beauté. Au delà de l'interprétation lumineuse de Yoon Jung-hee, il faut saluer, vénérer même les dix dernières minutes de "Poetry", hommage bouleversant de simplicité à une victime, auquel le film donne finalement le droit d'exister face à ses bourreaux, comme à ceux qui lui ont survécu. [Critique écrite en 2010]