D’office, l’ambiance pesante nous prend à la gorge. Le cauchemar inaugural nous prévient : la séance sera éprouvante.


Tourné en 64, en pleine psychose nucléaire, le film de Lumet nous embarque dans un huis clos étouffant où l'art de la dissuasion est le dernier outil capable d'empêcher le chaos.
Avec le faible budget qu'on lui a alloué, le cinéaste doit lui aussi tenter d'empêcher le pire. Réaliser un mauvais film, sur un sujet en plus déjà traité avec sarcasme quelques mois plus tôt par Kubrick, serait trop risqué. Heureusement l'ancien metteur en scène de théâtre peut pallier cela avec de nombreux atouts.


Il n'est en effet pas un simple directeur d'acteurs de talent, mais un cinéaste plein de ressources et d'ingéniosité, déjà éprouvé au genre du huis clos anxiogène avec 12 Angry men. Il commence par transformer la contrainte du noir et blanc en force, tirant les contrastes à leur paroxysme, rendant du même coup toute la force à des cadrages expressionnistes mettant en exergue des visages pâtis de peur et d'appréhension. Car ce sont bien là ses principaux décors : les corps filmés en anamorphiques de militaires ou d'hommes d'état qui deviennent, le temps d'une scène, parfois d'un plan, de simples êtres humains rongés de doutes et d'angoisse, dépassés par une charge trop lourde à porter.


La caméra, jamais subjective, se place comme un objet, une surveillance, signifiant déjà que la machine a pris le pas sur l'homme. C'est en effet là que se trouve le sujet du film, qui conduira à sa perte : au lieu d'imaginer une révolte de robots comme chez Asimov, Safe point suggère qu'un simple "bug" puisse déclencher la mort de millions d'êtres humains. La rectitude du devoir militaire fera le reste.

Wanoo
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le 10 janv. 2021

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