Point limite par OlivierBottin

Point Limite est le 3ème Lumet que j'ai découvert, et avant ça, j'étais quelque peu réservé sur le réalisateur : le fameux 12 Hommes en Colère est indiscutablement un très bon film, mais m'a paru ma foi un peu démonstratif, un peu comme un film à thèse sur la justice, dont on devine rapidement où ça veut en venir ; et Network, sans être vraiment décevant, m'a paru un peu trop improbable et trop exagéré pour vraiment convaincre. Et quand on jette un œil sur la filmographie du bonhomme, on a un peu l'impression qu'il est spécialisé dans les films à sujets, pour dénoncer et montrer, par rapport à des thèmes sur la société de son temps : les médias, la justice, le monde militaire... et le nucléaire donc avec ce Point Limite, sur lequel je gardais un peu mes réserves avec un tel sujet malgré la moyenne faramineuse sur le site.

Au début du film, on pourrait presque penser qu'il garde un peu les mêmes travers que je lui reprochais ; puis la véritable intrigue commence et on s'aperçoit qu'on a affaire à un film riche et bourré d'idées, qui exploite à fond le potentiel de son sujet, la paranoïa de la Guerre Froide et la menace nucléaire : le scénario est remarquablement construit sur la psychologie des deux camps : comment les russes doivent-ils réagir face à cette attaque que le président américain dit être une erreur? Est-ce une ruse? Que se passera-t-il si un bombardier vient finalement à toucher Moscou, une guerre doit-elle être déclenchée? Mais s'il s'agit vraiment d'une erreur, comment croire à la sincérité des américains? Et pendant ce temps là, dans le QG américain, la haine du communisme pousse certains à penser qu'un anéantissement de Moscou ne serait pas une mauvaise chose, certains viennent même à regarder l'écran de guerre comme si c'était un match de foot...

Tout en restant relativement sobre dans sa mise en scène, Lumet parvient à mettre en place une tension de plus en plus insoutenable, avec des scènes totalement déchirantes, jusqu'à un final glaçant, inoubliable, qui ne peut que laisser sans voix. Finalement, Lumet était un réalisateur parfaitement adapté au sujet, car son style correspond totalement à la folie de cette guerre nucléaire, à la paranoïa de l'époque ; les aspects les plus fous du scénario parviennent à être totalement crédibles, aboutissant à un film littéralement cauchemardesque. Et si Point Limite a beau être moins connu que le fameux Docteur Folamour (car il a eu le malheur de sortir après), il fonctionne pour moi beaucoup mieux que le film de Kubrick, certes très sympathique trop absurde pour vraiment convaincre sur son sujet (tout n'en étant pas totalement réussi sur l'aspect comédie). C'est vraiment dommage que ce film ne soit pas plus connu et regardé, car il me paraît être totalement indispensable, et je ne peux que remercier l'ami Torpenn de m'avoir prêté son DVD, qui par ailleurs semble malheureusement difficile à trouver (vivement une réédition!)