Pokémon, licence la plus rentable de tous les temps qui vient tout juste de fêter ses 23 ans et qui ne s’est jamais aussi bien portée. La franchise a marqué toute une génération de gamins nés au début des années 90 et continue de vendre des palettes de jeux vidéo et de produits dérivés dans le monde entier, en battant les précédents records à chaque nouvelle sortie, preuve s’il en est que les Pokémon traversent les années et les générations sans s’essouffler. Il aura donc fallu attendre plus de deux décennies pour voir débouler un film en live action sur nos écrans. Et c’est Hollywood et plus précisément Legendary qui s’y collent, avec la lourde de tâche de combler les attentes des fans les plus nostalgiques en même temps que celles de son public cible : les enfants. Ajoutons à cela que les adaptations cinématographiques de jeux vidéo n’ont, à quelques exceptions près, pas bonne presse. Les voyants sont donc loin d’être au vert, alors, Pokémon : Détective Pikachu réussi-t-il là où bien d’autres ont échoués ?



Pika-chou



Alors évoquons tout d’abord l’objet cinématographique en lui-même, car ce n’est pas ici qu’on lui trouvera ses plus grandes forces. Rob Letterman est à la réalisation, pour mettre en image un scénario écrit à 8 mains, adaptation du jeu vidéo éponyme sorti en 2016, sans grand bruit (contrairement aux épisodes plus classiques de la série). Si le film maîtrise particulièrement bien son rythme, en offrant aux spectateurs une aventure qui ne provoquera aucun ennui, la mise en scène ne marquera pas. Le film pêche par manque d’audace, dommage car les possibilités offertes par l’univers des Pokémon n’ont que pour seule limite l’imagination. La composition est aussi plate qu’un Limonde, mais la direction artistique rattrape un peu cet aspect : le monde dépeint est coloré, chatoyant et très vivant, en plus d’être crédible alors que la tâche n’était pas aisée tant les monstres japonais peuvent vite dénoter dans un environnement réaliste.


Car c’est bien là que réside la plus grande réussite du film : proposer un univers crédible et respectueux du matériau d’origine. Le film est bourré d’easter eggs qui flatteront le fan, mais que le profane ne saisira malheureusement pas. Par contre, ça ne l’empêchera pas de saisir tous les codes qui régissent cet univers et de comprendre son intrigue et ses enjeux dans son intégralité. Ces codes propres au monde des Pokémon sont respectés avec une minutie qui force le respect : les combats à base de capacités, les spécifités de certains Pokémon, l’intégration des régions « historiques » comme Kanto… D’ailleurs, ce respect est poussé jusqu’à justifier l’utilisation d’éléments uniques de l’univers en l’intégrant dans le lore « officiel » de manière tout à fait naturelle. Le contrat est donc rempli, impossible de reprocher à Détective Pikachu de ne pas respecter l’œuvre de base et son public qui a grandi avec la licence. Les Pokémon font partie de l’univers présenté de manière très naturelle, et bénéficient d’un grand soin dans le travail d’animation de ces monstres en CGI. Ils débordent de mignonnerie et même si, sur le papier, donner corps à ces créatures dans un environnement photo réaliste semble casse-gueule, force est de constater que le pari est réussi.


En choisissant d’adapter un jeu plutôt mineur dans la très dense série des Pokémon (Détective Pikachu n’est qu’un spin-off) au lieu de transposer les aventures des jeux « principaux », le film fait un choix très malin. Car si les épisodes canoniques jouissent d’un statut confinant au culte pour les fans (surtout les premiers épisodes : Bleu/Rouge/Jaune), on ne peut pas dire que les enjeux scénaristiques soient leur plus grande force. Du coup, en choisissant d’adapter un épisode spin-off un peu plus centré sur cet aspect narratif, le métrage permet d’aborder plusieurs sujets qui, de prime abord, ne semblent pas trop coller à l’univers mignon et naïf des Pokémon. Car si le film est avant tout destiné au public de la franchise, les enfants, il se permet d’aborder avec délicatesse des sujets plus sérieux comme le deuil ou la perte de contrôle de son corps à cause d’une maladie dégénérative. Alors certes, il ne fait qu’en gratter la surface, mais il ne faut pas oublier que Détective Pikachu est en premier lieu destiné à un jeune public, ce qui pourra ennuyer un peu le spectateur plus mature : les codes du film pour enfants sont omniprésents et le film ne se retiendra pas de souligner des -nombreux mais prévisibles- twists et enjeux à plusieurs reprises, afin que les bambins comprennent bien ce qui se passe à l‘écran. Cela donne lieu à des scènes d’exposition qui s’étirent un poil pour l’adulte. De la même façon, il est conseillé de ne pas rechercher de cohérence stricte dans l’utilisation d’éléments de la diégèse du film.


Le choix de Ryan Reynolds pour incarner Pikachu n’est pas anodin : surfer sur la vague Deadpool en reproduisant ce qui a fait son succès : un humour teinté d’ironie, de références meta et de rupture du 4è mur. Sauf que cette fois, film pour enfants oblige, toute lourdeur ou vulgarité n’a plus lieu d’être et Reynolds incarne Pikachu de manière très naturelle. Le personnage porte le film sur ses épaules et on ressentira presque l’influence de Reynolds sur le script tant les vannes balancées par la souris jaune fusent et font mouche quasiment à chaque fois. Justice Smith s’en sort tout aussi bien en protagoniste naïf et qui sert d’ancre au spectateur. Par contre, le reste du casting cabotine à mort (encore une fois, n’oublions pas que le public ciblé est jeune) ce qui pourra fatiguer rapidement un adulte n’ayant pas l’habitude des longs métrages pour jeune public. Le film n’évite pas non plus l’utilisations de clichés vus et revus, comme par exemple la stagiaire inconsidérée qui donnera le meilleur d’elle-même pour atteindre son but ou encore le flic peu compréhensif qui ne prendra pas au sérieux les avertissements des personnages principaux.


En définitive, Pokémon : Détective Pikachu respecte de fort belle manière ses engagements : proposer un pur divertissement brossant le fan nostalgique dans le sens du poil, tout en rendant son aventure accessible au plus jeunes, car c’est bien à eux qu’est destiné le film. Le spectateur plus averti regrettera, à juste titre, un manque d’ambitions cinématographiques, mais Pokémon : Détective Pikachu se place aisément en haut du panier des adaptations de jeux vidéo, tant il fait preuve de respect pour son matériau original, fait assez rare pour le souligner. Voir Pikachu et ses compères évoluer avec un si grand soin dans l’intégration et l’animation ne peut que faire s’imprimer un sentiment de satisfaction nostalgique pur au vieux jeune qui se rappelle encore discuter de « comment ce serait trop génial les Pokémon en vrai » entre deux échanges de cartes à collectionner, dans la cour de récré.

Exosfear
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le 18 mai 2019

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