Nés au bon endroit

Voilà un film duquel on ressort sous le choc donc + humain. Pour le canidé que je suis c'est particulièrement notable. Je peux dire que ça m'a ouvert les yeux sur une réalité pourtant évidente sur la vie et le sort qui est fait aux migrants en général et en aux réfugiés politiques demandeurs d’asile en particulier puisque c'est d'eux qu'il est question dans "Police". J'avais tendance à la refouler dans mon inconscient pour ne pas avoir à l'affronter. Non ces gens là ne sont pas tous des terroristes, non ce ne sont pas toutes des personnes venues profiter de notre système d'aide sociale et de santé. Certains risquent la prison, la torture voire la mort si on les renvoie dans leur pays d'origine. C'est une évidence.
Ils ont le droit d'avoir enfin un endroit dans le Monde où ils peuvent se poser, vivre une vie digne de ce nom. Nous avons, nous occidentaux le devoir de les aider dans cette démarche.
Dans le film de Anne Fontaine Tahirov (Payman Maadi) un réfugié politique, qui ne parle et ne comprend ni le Français ni l'Anglais, doit être conduit à l'aéroport et mis dans un avion à destination de son pays d'origine.
Cette mission exceptionnelle, qui n'est pas de son ressort est confiée à la police nationale. Un incendie au centre de rétention fait que le service de police qui est chargé habituellement de ce transfert ne peut honorer cette nuit là son mandat. Au passage la réalisatrice nous montre ce qu’est la vie d’un policier dans ses fonctions. Ces gens là côtoient le pire, sont confrontés à la mort, et pas que la leur, chaque jour, il suffit de quelques imbéciles pour discréditer l’ensemble de ce corps de métier. Il est de bon ton alors de leur taper dessus, de les dénigrer, c’est malhonnête, injuste et dangereux.
Virginie (Virginie Elfira) Aristide, son amant joué par Omar Sy et Erik (Gregory Gadebois) se portent volontaires. Virginie et Erik pour échapper à la tristesse de leur foyer et Aristide pour protéger son amante. Les deux premiers cités sont un peu paumés dans leur vie personnelle. Virginie est enceinte de Omar et elle a décidé d'avorter, son mari lui mène la vie dure. Erik se désintoxique de l'alcool et a des problèmes conjugaux. Aristide est sûrement le + équilibré.
Lors de la conduite de Tohirov vers l'aéroport de nombreux flashbacks nous informe sur les événements passés et les fêlures propres à chaque personnage notamment l'histoire d'amour entre Virginie et Aristide et les problèmes qui en découlent. Les trois policiers prennent peu à peu conscience, grâce à Virginie, que l'homme qu'ils transportent cette nuit là risque la mort à l'arrivée dans son pays d'origine. Dans le huis-clos de la voiture nous suivons leur cheminement de pensée face à ce cas de conscience. Aristide se rallie plutôt facilement à l'idée qu'il faut laisser s'échapper l'homme. Erik beaucoup plus à cheval sur le règlement a du mal à se laisser convaincre. Finalement ils tombent tous les trois d'accord et offre à Tohirov l'occasion de fuir. On ne sait pas trop pourquoi mais ce dernier refuse, on peut penser qu'il a peur que ce soit un piège pour l'abattre.
Le quatuor reprend sa route. Arrivé à Roissy Tohirov est remis à la PAF. L'homme se débat violemment, il est alors entravé avec des bandes velcro et jeté manu militari dans l'avion. Dans un dernier sursaut d'énergie le couple Virginie, Aristide fait croire aux fonctionnaires de la PAF que l'homme va mettre le bordel dans l'avion et risquer la vie de tous les passagers. Tohirov en est sorti et remis en cellule. Chacun des trois espère que la Cour Européenne des Droits de l'homme arrivera à le faire libérer afin qu'il puisse obtenir le statut de réfugié politique.
La fin du film est pleine de tendresse et de belles images. Erik entre dans un salon de massage (un vrai pas un bordel) en sort détendu, serein et va flâner l'âme enfin en pais sur une plage déserte.
Aristide accompagne Virginie pour l'intervention médicale qui va les priver de l'enfant qu'ils auraient pu avoir ensemble. Il y a alors comme un flou dans l'attitude de Virginie lorsqu’elle se retrouve dans la chambre de la clinique. On peut se demander si elle a vraiment avorté. En tout cas ils repartent tous les deux, main dans la main, plus que jamais amoureux l'un de l'autre. J'aime à croire qu'elle a gardé l'enfant. C’est mon côté fleur bleue.
J'ai beaucoup aimé « Police », je suis resté scotché du début à la fin. Anne Fontaine a ce don qui fait que vous restez plongé dans son film tout le long de la projection. Il se passe toujours quelque chose d'important même quand les visages sont immobiles, il se dégage tellement de sentiments de ces plans fixes.
Très bonne prestation de Virginie Elfira dans le rôle d’une agent de police déprimée voire torturée, elle vit très mal cette demande d’avortement mais comment pourrait-il en être autrement. J’imagine bien que pour une femme ce doit être traumatisant même si nécessaire. Elle joue juste. Omar Sy égal à lui-même, tout en gentillesse et sensibilité. D’un autre côté il est rassurant dans son rôle d’amoureux protecteur. Très à l’aise dans ce rôle, je pense que dans sa vie il ne doit pas être bien loin de cette composition. Je ne sais pas vous mais ce gars là respire la bienveillance. Gregory Gadebois que je connais moins bien assure lui aussi une prestation crédible et donne à l’ensemble un contrepoids parfait à l’humanité de Virginie qualité dont lui-même n’est pas dépourvue mais il faut creuser plus profond pour la faire apparaître. Quant à Payman Maadi il est parfait en réfugié politique complètement apeuré. De plus il ne parle pratiquement pas et c’est d’autant plus difficile de faire ressortir cette peur extrême. Anne Fontaine filme ça parfaitement, les flash back du film notamment au début donnent de l’épaisseur à l’ensemble.
La bande son accompagne parfaitement tout le déroulé de l’action.
Un film à voir absolument pour ceux qui ont des préjugés sur ces personnes qui viennent ici chercher la vie telle que chaque humain devrait pouvoir la vivre. Certes certains diront que tout n’est pas parfait dans nos démocraties alors ceux là aussi doivent voir « Police » car vu le nombre croissant de ces femmes et hommes qui viennent s’y réfugier nous pouvons dire avec certitude que nous sommes nés au bon endroit.