Bad Lieutenant avec Harvey Keitel, Zoë Lund réalisé par Abel Ferrara tous les trois junkies à l'époque où fut tourné le film (en 18 jours, décor naturel dans les rues de New-York) Les scènes de prise de diverses drogues (crack, héroïne, cocaïne) ne sont donc pas simulées. Pas plus que l’absorption d'alcool vu qu'ils étaient aussi alcooliques. C'est un atout certain.
Dans le film Keitel n'a pas de nom c'est Lieutenant, un very very bad Lieutenant qui a quelque chose à se faire pardonner, quelque chose qui le hante grave, un traumatisme profond mais on ne saura jamais lequel. Drogues, alcool et sexe n'arriveront pas à le dérider. Flash et orgasme chez lui sont douloureux. Il traverse le film la mine renfrognée, hirsute, l’œil noir, tout en agressivité et en noirceur. Noirceur est dans son cas un léger euphémisme, c'est encore plus sombre que la noirceur, plus noir que noir.
La religion est omniprésente en parallèle avec sa descente aux enfers. Il est catholique et il le répète à volonté "je suis catholique, depuis 14 ans je passe entre les balles" mais dans la scène suivante affirme énervé que "la religion c'est de l'arnaque" Le film est constellé de scènes où apparaissent crucifix, statuettes de la Vierge Marie et autres objets de culte.
Lieutenant enquête sur le viol d'une religieuse dans une église au cours duquel est volé un calice sacré. Une prime est promise à la personne qui trouvera les violeurs et le calice en or. Croulant sous les dettes contractées auprès d'un bookmaker à la suite de paris foireux et insensés Lieutenant part à leur recherche plus chasseur de primes que flic.
Il s'enfonce lentement mais sûrement dans une totale déchéance
filmée sur un faux rythme trompeur, sans musique si ce n'est au début et à la fin, on étouffe avec lui, on souffre pour lui Tout est douleur et ténèbres.
La religieuse victime du viol connait ses agresseurs mais refuse de donner leurs noms au Lieutenant qui la presse de parler, elle a pardonné lui dit-elle.
Elle est là et prie devant l'autel, lui la supplie " Vous pardonnez, vous pardonnez mais moi il ne m'a pas pardonné" en lui montrant le Christ en croix. Elle part le laissant seul à genoux quand le Christ lui apparaît au milieu de l'allée centrale, Lieutenant délire, halluciné, complètement défoncé, il rampe gémissant. En fait c'est une femme qui lui ramène le calice en or et lui donne les noms des deux violeurs.
Il les retrouve mais les laisse partir avec une mallette contenant 30 000 dollars qu'il avait emprunté à un ami pour payer ses dettes. La rédemption qu'il a cherchée tout au long de ce cauchemar, lui aussi pardonne.
Ce film va bien au delà du film policier, c'est une allégorie religieuse on ne sait plus trop si Harvey Keitel joue le rôle du Lieutenant ou s'il joue son propre rôle. Sûrement un peu des deux. On sort de là mal à l'aise, il m'a fallu quelques bonnes dizaines de minutes pour évacuer. Ça prend aux tripes, l'esprit torturé, enserré par un étau de fer. Je ne vais pas dire que c'est plaisant à voir, c'est angoissant, éprouvant mais c'est à voir, vraiment, une sacrée performance si ce n'est une performance sacrée. Harvey Keitel est possédé, il est magistral.
La scène finale, que je ne dévoilerai pas, est tournée en extérieur dans les rues de New-York les réactions des passants ne sont pas jouées, elles sont spontanées.. .