Bien qu'imparfait ce premier film de Manele Labidi est néanmoins réussi. L'humour qui s'en dégage n'a pas déclenché chez moi d'irrésistibles fous rires hormis cette scène où l'un des personnages se sentant des aptitudes au kung fu, énervé par l'attitude des flics, balance un bon vieux coup de tatane dans la tronche de l'un d'eux. Labidi est jeune, elle a de l'avenir et une grande marge de progression.
Selma, jouée par Golshifteh Farahani, débarque dans son pays d'origine, la Tunisie post-révolution, pour y ouvrir un cabinet de psychanalyse


installé sur le toit d'un l'immeuble, elle y voit défiler toute une panoplie d'éclopé-e-s de la cervelle. Son oncle l'a pourtant prévenue "Nous on a Dieu, on n'a pas besoin de ces conneries !" Et pourtant...
Baya, sa coiffeuse, ignorante des us et coutumes de la religion freudienne, ouvre le bal. Elle s'étonne de devoir payer juste pour parler avec une personne, silencieuse de surcroît car Selma ne parle pas beaucoup. C'est une taiseuse et elle semble triste, très triste. Que cherche-t-elle à fuir ou à oublier comme le suggère la chanson de Mina, chanteuse italienne née en Lombardie.



"Città vuota (Ville vide en Italien)"




"Comment peux tu encore vivre sans moi, ne sens tu pas que notre amour
n'est pas fini, les rues bondées, la foule autour de moi me parle et me
rit et personne ne sait pour toi, je vois autour de moi les gens
aller et venir, reste que la ville me semble vide si tu ne reviens pas"



On ne le saura pas. S'ensuivent, dans le désordre, un grand parano qui cherche micros et caméras dans le cabinet et se sait espionné par le Mossad, la nièce qui a trouvé judicieux de montrer ses seins en cours de religion, la musulmane sur ce coup là. Arrive évidemment celui qui a confondu tarif de la séance et séance tarifée, il est vrai que la frontière entre les 2 est floue. Il y a aussi le boulanger qui s'inquiète d'avoir embrassé Poutine en lieu et place des habituels dictateurs arabes, baisers tout à fait oniriques ça va de soit, mais quand même...On peut également citer l'oncle qui boit de l'alcool dans des canettes de Coca histoire de ne pas s'attirer les foudres des religieux. Il ne comprend pas qu'elle revienne au pays alors que les Tunisiens veulent en partir. No future in Tunis !
Entre-temps Selma a acheté une vieille guimbarde datant de la colonisation. C'est à son volant qu'elle se fait arrêter par la police pour un contrôle. Naïm, le keuf en chef, la fait souffler...dans ses narines ! Hé oui c'est la dèche y'a pas d'alcootest en Tunisie. Et là on sent tout de suite qu'il va se passer quelque chose entre elle et lui. C'est ce que je me dis à ce moment là. En attendant il va lui pourrir la vie. En effet elle n'a pas d'autorisation administrative pour l'ouverture de son cabinet. Grosse galère, la bureaucratie locale est complètement à la ramasse. Elle va courir de droite et à gauche, en long, en large et en travers à la poursuite du précieux sésame histoire de se rendre compte de ce qu'est le quotidien des tunisiens. Entre deux visites à sa copine fonctionnaire, vendeuse de dessous sexy à l'occasion, Selma officie dans sa bétaillère. Lors d'une panne dans le désert elle fait la rencontre d'un mirage freudien qui n'a que des mouchoirs en papier à lui offrir pour la guérir de ses maux et faire sécher ses pleurs. Amusante parabole de ce qu'est la psychanalyse selon


notre Labidi nationale qui nous régale au passage de la beauté des paysages. La musique du film m'a également plu. Outre Mina, citée plus haut, je retiens deux autres morceaux. Le très rock'n'roll "Hey babe " de Loolie and the surfing Rogers, un groupe de Montreuil à priori peu connu mais très efficace et la chanson de fin "Sen ve ben" (Toi et moi) une reprise du musicien turc Serdar Oztop.


Une fin qui nous montre une Selma heureuse, s'envolant dans des désirs d'une vie à deux avec Naïm le scrupuleux policier.


La musique tient une place importante dans "un divan à Tunis" elle embrasse plusieurs pays méditerranéens, Turquie, France, Maghreb, Italie entre autres. Je tiens également à souligner la justesse de la prestation de Golshifteh Farahani tour à tour triste, presque sévère, obstinée, désespérée et enfin joyeuse nous gratifiant à l'occasion d'un superbe sourire. A noter le parallèle entre les destins de la réalisatrice et du personnage principal de son film, premier long métrage pour l'une, premier cabinet psy pour l'autre, elles partent toutes deux de Paris et s'accomplissent toutes deux à Tunis. Et moi j'ai passé un agréable moment de détente, merci :)

Daziel
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le 15 févr. 2020

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