Kuno, un flic, a laissé filer il y a 10 ans Hirotani, un jeune yakuza coupable d'un crime qui était venu se dénoncer chez lui. 10 ans plus tard, Hirotani est devenu le n° 2 du clan Ohara et dirige le clan pendant que le parrain finit sa peine de prison. Mais une guerre couve avec le clan Kawade. Kuno, brutal et amer, copine avec le clan Hirotani et tente de calmer le jeu (au départ, il s'agit juste d'une prostituée piquée). Mais les Kawade, en cheville avec un ancien parrain devenu conseiller municipal, veulent dégager les Ohara. Hirotani arrive un premier temps à leur souffler un projet immobilier, mais les Kawade relancent la guerre, et le préfet monte une brigade antigang dirigée principalement contre Hirotani. A sa tête, un jeune ambitieux, Kaida, qui veut coincer Kuno pour ses complaisances avec les yakuzas. Hirotani perdant les pédales, finit par se retrancher chez lui avec un otage. Kaida supplie Kuno de l'aider. Ce dernier parvient presque à sauver Hirotani, qui lui en veut, mais tente bêtement de tuer Kaida : Kuno l'abat. Le dénouement est fort sombre : Kaida devient cadre sup' dans une compagnie pétrolière en cheville avec les yakuzas, tandis que Kuno, rétrogradé, subit la vengeance des gars d'Hirotani.
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Je suis bien content d'avoir lu un bouquin sur les yakuzas pour comprendre les subtilités du genre. On y trouve tous les éléments sur l'émergence du yakuza affairiste des années 1960-70 : l'alibi disant que les yakuzas sont moins dangereux que les communistes, sans cesse répéter par un flic tellement c... qu'il en est drôle ; les allusions à la traite des filles (qui s'en prennent plein la gueule dans le film et sont réduites à des objets sexuels) ; la corruption qui touche tout le monde ; la porosité entre flics et yakuzas (on a les deux sens : un flic qui devient conseiller des Kawade ; un ancien d'Ohara qui devient flic). La violence est sèche, les mecs ne font pas semblants de se coller des beignes, avec ces bruitages si violents propres au cinéma japonais. Mais le plus beau, c'est ce passage où Kuno explique, bourré, comment il a choisi la carrière policière : après la défaite de 45, il voulait un flingue et seuls les flics en avaient. Et puis ils étaient les seuls à sucrer aux autres le riz du marché noir en toute impunité. Un regard cru et sans aménité sur le Japon d'après-guerre, j'aime beaucoup ce côté coup-de-poing.
La réalisation est nerveuse. On trouve quelques tics des années 1970 : ces plans larges avec filtre sur le port ; ces écrans figés. Parfois, lors d'un dialogue d'exposition, on passe à un diaporama de clichés explicatifs. Joli flashback en pelloche noir et blanc à gros grain, aussi. Il y a un peu de gore, mais surtout peu de tabous sur la vie sexuelle. Hirotani, par exemple, a des pulsions sadiques sur les filles qui sentent les troubles de la virilité.
J'ai parlé assez peu de la forme, mais c'est ici le sujet qui prime. Le héros est autodestructeur, mais beaucoup moins lisse et beaucoup plus ambigu que ses homologues américains. On sent parfois qu'il est perdu, mais se raccroche à son aura mâle, faute de mieux. Quand Hirotani dit à Kuno "Mais je te parle d'honneur, là !". Celui-ci lui répond peu après : "Je te croyais moins con". Bien !
C'est un film policier comme on les aime, bien noir, bien rentre-dedans, sans concession, avec une belle histoire d'amitié virile confrontée à la trahison.
Vu à la Cinémathèque, sous-titres parfois légèrement décalés.