Ne vous fiez pas aux apparences...
Plus encore que son "French Connection", c'est le "To live and die in L.A." (on ne s'embête jamais en France pour les traductions, mais bon ici les dégats sont quand même limités...) du père Friedkin qui aura marqué le cinéma policier de son empreinte.
Visuellement parlant, Friedkin prends le pari de respecter à la lettre le "style années 80", avec sa photo hyper lêchée et ses couleurs bien criardes, limite clip vidéo pour le coup - et la musique de Wang Chung (sic!!), ce qui fait qu'aujourd'hui le film continue de fasciner ou d'agaçer, c'est selon - mais possède en tout cas l'avantage d'ancrer parfaitement l'oeuvre dans son époque.
Il est donc aisé de faire le rapprochement avec "French connection", qui collait lui aussi parfaitement aux seventies.Mais vu qu'on bascule ici dans les années 80, il est donc logique que le film, ne serait-ce que par son montage, soit autrement plus "nerveux" que son prédécesseur, un peu comme s'il en était le cousin, mais dans une version modernisée donc - la poursuite en voitures en étant le parfait exemple, celle de 1985 se faisant le parfait écho de celle de 1971.Par ailleurs Friedkin affiche ici sa volonté de "démystifier" Los Angeles, "la cité des anges", l'action du film se situant le plus souvant dans les coins les plus glauques, bien loin de l'image "strass et des paillettes" de la villle.
Popeye Doyle laisse donc ici la place à Richard Chance (et quand on sait ce qui lui arrive dans le film, on savoure d'autant plus l'ironie quand au choix du nom du personnage principal...), flic tête brûlée et fonceur, prêt à tout pour coincer le faussaire Rick Masters - joué par un Willem Dafoe délicieusement vicelard - et contraint de faire équipe, après que Masters et son bras droit aient abattu son ex-collègue et meilleur ami, avec John Vukovich, flic autrement plus porté sur le règlement et les valeurs morales que Chance...Même si Vukovich dernier finira inexorablement par franchir lui aussi les limites de la moralité.
Los Angeles étant, c'est bien connu, la ville des faux-semblants par excellence, Friedkin va donc jouer à fond la carte de l'ambiguité à tous les étages.
Celle des comportements moraux de Chance.Celle du personnage de Masters, dont la fiancée travaille dans une troupe de danse arty.Via les maquillages et les gestuelles des personnages, Friedkin nous interpelle sur leur "identité" sexuelle - le summum de cette ambiguité étant atteint lors du rapport sexuel de Masters avec sa fiancée, immortalisé via une caméra.Plus que jamais, et surtout à L.A. dans les années 80, les apparences peuvent être trompeuses...
Mais l'ultime coup de génie de Friedkin (bon ça fait un big spoiler pour ceux qui n'ont pas vu le film mais j'assume) sera d'assumer jusqu'au bout son parti pris, en se débarassant de son "héros" quasiment à la moitié du film!!Une première pour un film de studio à l'époque cela va sans dire.Et quand on vous disait qu'il ne fallait pas se fier aux apparences, que nous ne sommes pas ici dans un banal polar comme tant d'autres...Friedkin nous gratifiera d'un ultime pied de nez avec la scène finale, ou l'on voit Vukovich prendre, au sens propre, la place de Chance.Plus qu'un passage de témoin, il s'agit ici de démontrer que les valeurs de Vukovich n'auront pas fait long feu dans cette ville ou règnent la corruption et les faux-semblants.
Pour terminer impossible de ne pas revenir sur LA poursuite en bagnoles des années 80, encore plus barge et culte que celle de "French Connection", sur une autoroute à contre-sens s'il vous plait!!
Pas certain du tout, d'ailleurs, que l'on puisse trouver film plus puissant, dans son genre, en tout cas pour la décénnie en question.