Après deux premiers films parfaitement égocentriques et parfois assez horripilants de prétention auteurisante sur sa famille et son métier de comédienne, la jeune actrice et réalisatrice Maïwen revenait sur les écrans avec Polisse. Pour son troisième long métrage Maïwen choisit donc plonger le spectateur dans le quotidien d'une brigade de police spécialisé dans les affaires de mineurs. Fatalement le film lorgne bien plus du coté du Police de Pialat que vers celui de L'arme fatale. Maïwen choisit de coller au plus près des ses acteurs et de leurs personnages en s'attachant presque uniquement à la dimension humaine de la fonction de flic.
Polisse c'est donc l'histoire de Melissa (Maïwen) une jeune photographe mandatée par le ministère pour réaliser un ouvrage de photographies sur le quotidien de la BPM (Brigade de protection des mineurs). La jeune femme va alors se retrouver plonger au cœur d'affaires de meurs, de viol, d'attouchements sur mineurs et découvrir comment les hommes et les femmes de cette brigade tente de concilier tant bien que mal leur vie professionnel et leur vie privée.
Polisse est un film que me laisse un sentiment pour le moins partagé pour la simple raison que j'ai la sensation que Maïwen réussit vraiment une scène sur deux. Autant le film est absolument formidable et quasiment sans la moindre fausse note lorsque il suit ses flics dans l'exercice de leur métier, autant il cesse assez souvent de m'intéresser pour ne pas dire plus dès l'instant qu'il s'égare sur les problèmes de couples et la vie privée des personnages. Les histoires de divorce, d'anorexie, de sexe et d'amour entre les protagonistes qui sont censées montrer les difficultés de ses flics à se détacher totalement de leurs fonctions tombent bien trop souvent à plat à mon goût. Malheureusement, quasiment toutes les scènes plus intimistes qui impliquent les individus plutôt que la vie du groupe semblent artificielles et finalement n'apportent à mon sens pas grand chose au film dans son intégralité. Maïwen réussit pourtant de très jolis moments en dehors des strictes histoires de police mais c'est à chaque fois des scènes dans lesquelles l'esprit du groupe prime sur les histoires personnelles, on retiendra notamment la soirée dans la boîte de nuit ou l'équipe se lâche pour évacuer la tension et la scène de la soirée entre amis chez le personnage interprété par Marina Foïs. Dans le registre plus intime seule la relation amoureuse tout en non dit entre Karole Rocher et Nicolas Duvauchelle et les très beaux moments entre Fred (JoeyStarr) et sa petite fille parviennent à me toucher. Le plus horripilant reste sans doute le personnage interprété par Maïwen elle même avec le sentiment parfois bien désagréable que le film tourne un petit peu trop autour de son nombril. La réalisatrice s'octroie d'abord un rôle de témoin assez distant et transparent mais assez vite ,comme si elle craignait de passer au second plan, le film va commencer à tourner autour de son histoire d'amour naissante avec le personnage de Fred, ce qui n'est objectivement pas l'aspect le plus passionnant du film.
Fort heureusement Polisse est aussi un film vraiment formidable dès l'instant qu'il revient à sa véritable raison d'exister. On pourra dire absolument tout ce que l'on veux de Maïwen, de sa grande gueule, de sa prétention, de sa suffisance parfois mais de films en films elle confirme qu'elle est vraiment une formidable et fiévreuse directrice d'acteurs. On se retrouve totalement plonger dans le quotidien de ces flics finalement bien ordinaires avec un soucis constant de toujours rester à hauteur d'hommes et de femmes. Polisse parvient à fasciner et révulser sur la cohorte d'horreurs quotidiennes que doivent traiter ses flics tout en gardant une forme de froide distance qui parfois se fissure comme autant de blessures cachèes. Parfois procéduriers, parfois cyniques, parfois révoltés, parfois ironiques, parfois maladroits, parfois froids ou remplis de compassions on suit comme autant d'épreuves intimes les interrogatoires de mères indignes ou victimes, de père pédophiles et surtout d'enfants parfois simplement victimes de leur innocence. Maïwen révèle alors sous le regard acéré comme un scalpel de sa caméra les pires horreurs dont peuvent être victimes les enfants. Polisse dresse alors en filigrane le portrait d'une époque entre impunité des puissants, banalisation souvent inconsciente de l'acte sexuel chez les adolescents, combat entre traditions et droit, violence ordinaire et de nombreux autres sujets que la réalisatrice évoque très souvent avec une force frontal mais unt tact mesuré. Impossible d'oublier la scène de l'avortement de cette adolescente violée, les larmes de cette mère (Sandrine Kiberlain magnifique) réalisant les horreurs qu'elle a laissé subir à sa fille ou le terrible témoignage cynique et désabusé de ce père pédophile. Il serait bien trop facile de penser que Polisse se vautre dans le sordide en cataloguant toutes les horreurs que peuvent subir les mineurs, il ne fait que livrer sur deux heures au yeux de tous dans le cocon confortable d'une fiction ce que ces flics vivent au quotidien. Certaines séquences pourront sembler complaisantes dans leur description froide et clinique mais elles ne font que mettre à jour une réalité qui écorche le cœur et force à poser le regard sur l'innommable. On est d'abord surpris et souvent choqué par le détachement apparent de ses flics parlant parfois de viols de mineurs comme on parlerait shopping puis on finit par comprendre leur fonctionnement et surtout la carapace qu'ils sont obliger de se construire. On finira même par rire avec eux sur une histoire aussi grotesque que sordide de fellation pour récupérer un portable. L'intégralité de ce qui touche directement au travail de la brigade est absolument parfait en matière de mise en scène comme en matière de direction d'acteurs. Le seul bémol reste la séquence un peu foireuse durant laquelle la BPM doit épauler une autre brigade pour un flagrant délit, une séquence de pseudo suspens et d'action tellement inutile que l'on se demande un peu ce qu'elle vient foutre dans le film.
Pour Polisse Maïwen s'est entourée comme souvent d'une sacrèe bande d'acteurs et d'actrices. Un casting formidable pour une nouvelle fois de très grands moments de comédie, au sens jeu du mot. Le casting est absolument parfait à l'exception de deux légers bémols pour moi qui sont Maïwen elle même et Karine Viard que j'ai personnellement trouvée assez insupportable. Bon, j'avoue que je n'ai jamais vraiment accroché sur cette actrice mais elle est de tout le casting la seule qui me semble en faire souvent un beaucoup trop dans le registre du naturel forcé. Pour le reste c'est du tout bon et il faut saluer les très belle prestation de Nicolas Duvauchelle, de la bien trop rare Karole Rocher (Braquo), de la formidable Emmanuelle Berco, sans oublier Frederic Pierrot, Naydra Ayadi, Arnaud Henriet et Marina Foïs bien plus convaincante en flic ici que dans l'imbuvable L'immortel. Je sais que c'est un peu facile de citer l'intégralité du casting mais Maïwen a réussi à créer une telle effervescence, une si belle émulsion d'énergie entre ses comédiens qui fait qu'il est difficile d'en ressortir un seul du lot comme lors de l'excellente et bouillante scène du kebab. Difficile de ressortir un nom encore que, comme vous l'aurait forcément remarqué je n'ai pas encore parlé de JoeyStarr qui incarne Fred. Pas grand chose à dire si ce n'est que JoeyStarr est absolument MONS-TRU-EUX et qu'il bouffe l'écran avec un charisme animal et un naturel qui m'ont laissé vraiment pantois. Dès la première scène dans la voiture de police quand il engueule une adolescente de banlieue pour la faire taire c'est une évidence, JoeyStarr est un putain d'acteur. C'est bien simple dès l'instant qu'il est à l'écran le film prend vraiment une autre dimension tellement il est énorme. Il était déjà l'un des gros atouts du film Le Bal des Actrices mais là il est vraiment incroyable de magnétisme, de puissance et d'émotion. La scène durant laquelle son personnage prend trop à cœur la séparation d'une mère africaine et de son fils est juste bouleversante d'humanité, de rage, de tristesse et de tendresse mélangés. Ne serait ce que pour lui Polisse mérite vraiment un détour par le commissariat.
Polisse est donc un film un peu bancal, pas loin de la perfection dans sa description du quotidien de la BPM et pas loin d'être souvent insupportable sur d'autres aspect. La force du propos, la puissance de certaines séquences, l'émotion et l'humanité qui se dégage du film et la performance de JoeyStarr suffisent toutefois à placer Polisse dans la catégorie des très bons films.