Dès l'ouverture de Polisse nous voilà prévenus : on jure de nous dire la vérité, celle naturellement qui sort de la bouche des enfants. Et c'est là la grande confusion qu'instaure le film. Ce que semble ne pas saisir Maïwenn c'est l'écart sémantique qui existe entre réalité et vérité. Au cinéma le réalisme n'est pas une fin en soi, c'est un moyen. En disposant les éléments d'une fiction de sorte qu'ils paraissent vraisemblables, le réalisateur permet au spectateur, avec son accord, de rentrer dans un mensonge qui prend les apparences de l'authentique. La possibilité d'un pacte permettant l'adhésion ne s'offre qu'à la faveur de la foi que le spectateur place dans le monde qu'on lui présente. Ainsi l'objet d'un film ne peut être le réalisme, mais au contraire, par le réalisme, d'amener à interroger des situations, des mécanismes historiques, sociologiques, psychanalytiques, etc. Autrement dit, atteindre à une vérité qui habite le lien entre image et enjeux réflexifs.

Or Maïwenn, en plaçant sa vérité dans le réalisme, échoue à faire un film. En effet, une fois compris que la fiction réclame d'abord notre foi, le film est incapable, parce que le cinéma y est ontologiquement impuissant, de nous « montrer » ce qu'EST le quotidien d'une Brigade de protection des mineurs, projet qui eût réclamé le reportage. Et, comme tout le propos du film est là, celui-ci s'écroule de n'avoir pas su par la fiction, nous amener sur quelque chose de véritable. Alors, Polisse s'abîme dans la surenchère de réalisme et accumule les scènes chocs dans une abomination qui se résume à « le réel pour le réel » comme on dit « la violence pour la violence. » Et on ne peut alors éviter ni l'écueil du voyeurisme ni celui du cliché, ni celui du sensationnalisme. Rabattu sur son réalisme, enfermé par le travail en amont de documentation, rien ne déborde de l'ambition de « faire vrai. » Et c'est ainsi qu'avec d'autres moyens et d'autres talents, Maïwenn trouve dans son film les tares à la fois de la série policière, du reportage et de la téléréalité. C'est-à-dire la nullité d'un propos. Parce qu'enfin il n'est pas du cinéma de nous apprendre ce qui ressort d'une pure factualité.

Et cette vanité est regrettable à plusieurs égards. D'abord parce que Maïwenn a su filmer une histoire bien rythmée : en sortant de la salle, on a la sensation d'avoir passé un bon moment, de rires, de bouleversement, d'indignations ; surtout parce que Maïwenn sait filmer les corps. Ses personnages devant sa caméra possèdent une puissance toute physique avant tout due à la manière de les capter. C'est ainsi qu'il est difficile de ne pas d'abord aimer Polisse ; c'est que le malaise vient dès lors qu'on s'interroge sur son propos. Il est des films qui nous ont horripilés plus tôt. Et il est plus grave peut-être dans Polisse que ce qui nous en détourne soit d'ordre éthique.
reno
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le 1 nov. 2011

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