Il y a quelques qualités que je reconnais à Polisse : une mise en scène ainsi qu'un rythme efficaces qui nous plonge dans l'action de manière brutale, et une direction d'acteurs talentueux, qui sonnent justes et donnent leurs tripes.
Ça s'arrête là.
J'ai cru que j'allais quitter la salle au bout de dix minutes tellement le flot d'histoires sordides et d'agressivité m'a submergé.
Polisse est une compilation d'instants forts : interrogatoire d'enfants potentiellement violés, enfant arraché à sa mère pour être placé dans un foyer, descente de police dans un camp roumain, mais aussi divorce d'une flic, dispute conjugale, accrochage entre collègues... Et de rares moments de répit comme une sortie en boite (parce que oui les flics se disputent, mais ils sont aussi complices), ou un déjeuner familial (sans intérêt).
RAMASSIS DE CLICHES
Le film se tient, avec un début et une fin (fin ridicule et prévisible d'ailleurs), mais l'enchevêtrement d'histoires est tout de même une mosaïque de lieux communs : oui, il y a des problèmes de mœurs dans tous les milieux sociaux, oui, c'est compliqué de démêler le vrai du faux, tous les cas sont différents et on a jamais le fin mot de l'histoire... mais cela reste très bien pensant et démagogique.
Les flics traitent le père incestueux arrogant comme un salaud, et un flic lui met une droite car c'est tout ce qu'il mérite (ça a fait plaisir à la femme assise derrière moi dans la salle qui l'avait déjà traité d'enculé), la flic hystérique d'origine arabe fait la morale à un père lui-même arabe qui veut marier sa fille de force... Comme si la réalité n'était pas infiniment plus complexe.
Les réactions dans la salle ou j'étais étaient peut être encore plus dégoutantes que le film. J'ai entendu beaucoup de rires que je n'ai pas compris (comment on peut trouver drôle qu'une mère branle son fils même si elle dit ça avec un air ahuri ???).
Polisse s'adresse au spectateur de la même façon que la télé réalité donne en pâture des scènes brutes qui ne peuvent que susciter des réactions fortes, des avis tranchés. Mais ne pas laisser indifférent ne signifie pas digne d'intérêt.
FLICS GERBANTS
Dans Polisse, les flics sont des gros beaufs qui manquent singulièrement de psychologie (traiter une fille de 14 ans qui se montre dénudée sur internet de "nymphomane qui a l'air d"une pute" ? hurler sur une mère en pleurs qui a du mal à donner les détails de sa vie intime avec son mari incestueux ?). La plupart du temps ils ne s'expriment qu'en "gueulant", et même entre eux ils ne sont pas capables de s'écouter. Le pire étant cette espèce de fierté mal placée qu'ils dégagent quand ils essaient de s'imposer alors qu'ils sont seulement violents et grossiers.
Pour réaliser Polisse, il parait que Maïwenn s'est immergée dans le milieu de la brigade des mœurs sans y avoir été autorisée et que finalement, après avoir vu le film, la brigade était ravie de l'image qu'elle a donné de la police. Incompréhensible. Les moments qui sont censés les humaniser les rendent encore plus écœurants. Ils mangent comme des porcs (la bouche ouverte avec bruit de mastication en bonus), se laisse aller à leurs pulsions égotiques et n'analysent rien. Pourtant on voit bien une tentative de renverser la vapeur avec une alternance dureté/douceur, frénésie/calme, tension/décontraction, mais même cela manque de subtilité (flic alcoolique qui crie qu'elle n'a pas de problèmes, anorexique suicidaire moralisatrice, Maïwenn et Joey Starr qui jouent à la Belle et la Bête), quand ce n'est pas carrément incohérent (moment de tendresse avec les enfants roumains qui dansent après avoir été enlevés de force à leur parents en pleine nuit...).
INHUMAIN
Je peux aimer la violence et le glauque, j'ai adoré Dog Pound qui décrit aussi des situations difficiles. Mais le talent du cinéaste devrait rendre les choses belles ou intéressantes, les présenter sous un jour nouveau ou au moins de façon digeste. Ici ce n'est pas le cas, on voit des cons évoluer dans un monde de cons.
Polisse c'est l'horreur, la perversité, la crasse et la bestialité humaines vomies au visage du spectateur. Ce film aura au moins le mérite de rassembler à peu près tout ce que je déteste chez l'être humain, et de me rappeler pourquoi je suis misanthrope.