L'emménagement, étape charnière de la vie de la famille américaine

Bien avant de faire face à une catastrophe naturelle à un million de milliards de dollars de dégâts afin de se ressouder et de célébrer son unité (voir ma critique de San Andreas), la famille américaine connaît le premier tournant de son existence lors du traditionnel emménagement, celui qui ouvre invariablement la plupart des films d'horreur et plus particulièrement les représentants du genre maison hantée.


L'investissement d'un nouveau lieu de vie peut être une révélation des premières tensions au sein du couple. Généralement, l'une de ses composantes ne travaille pas (souvent le mari, quel feignant), a perdu son job ou exerce une activité qui peut être faite au foyer (au pif, l'écriture). Ou pire, l'un a perdu son job et l'autre écrit. Ils emménagent donc par pure nécessité économique. Il peut être aussi révélateur chez les enfants, quand ils ne sont pas sous Ritaline, d'un mal être lié au déracinement. Il peut aussi provoquer chez les plus sensibles une démence passagère, caractérisée par des crises de somnambulisme (spectaculaire mais pas dangereux) ou, plus flippant, des soliloques avec des gens qui ne sont pas dans la pièce, sans portable ni talkie-walkie dans la main.


Investir un nouveau logis, pour la famille américaine, donne lieu à tout un tas de passages obligés, parmi lesquels, systématiquement, le fait de ne jamais demander où est passé le propriétaire précédent, ni pourquoi celui-ci se sépare du bien immobilier (interdictions n°11 et 12 du guide "Le scénario de film d'horreur pour les nuls"). La sainte famille ne se renseigne non plus jamais s'il y a eu un meurtre dans la maison avant qu'ils n'arrivent (interdiction n°3), ou encore sur les environs du lieu de vie au cadastre de la mairie, histoire de voir si la ligne haute-tension gâchera la vue de la fenêtre du salon (interdiction n°28). Encore moins sur l'existence d'un cimetière dans les alentours, ou sous leurs pieds (au hasard, hein, interdiction n°17). Elle ne s'alarmera pas plus de retrouver planqués, ou en guise de déco, des poupées ou des clowns aux gueules les plus moches que tout homme normalement constitué jetterait à la poubelle dans un cri oscillant entre dégoût et effroi (interdiction n°2).


Tout cela pour dire que cette nouvelle variation de Poltergeist, drivée par l'honnête Gil Kenan, aligne joyeusement tous ces lieux communs en évoluant sur le sentier balisé du film d'épouvante new look. Mais il le fait d'assez bonne manière et fait en sorte que le spectateur en mal de frissons efficaces reparte avec ce qu'il est venu chercher. Ainsi, certaines scènes menées avec talent filent une bonne frousse, comme l'attaque du clown ou la première invasion durant la nuit d'orage, assez spectaculaire, tout comme ce voyage dans des limbes glauques et inquiétantes. Le film se laisse suivre sans mal mais est cependant marqué par les tics habituels prisés par le public adolescent. L'humour n'est par exemple pas toujours bien amené et l'oeuvre est ancrée dans un démonstratif et un explicatif en mode impératif qui interdit jusqu'à la naissance même d'un quelconque sentiment d'angoisse. Le film cède aussi parfois au modernisme en convoquant portables, drones et semblant de réflexion sur une télé réalité bien dispensable. Le film souffre aussi d'une caractérisation sommaire de ses protagonistes, faisant de certains d'entre eux des têtes à claques, à l'image du père de famille qui prend tout à la légère et claque le maigre argent dont il dispose.


Mais le plus gros handicap de cette oeuvre, c'est son titre qui, à sa simple évocation, convoque le souvenir d'un des films les plus angoissants du genre, mené de main de maître par Tobe Hooper et surtout Steven Spielberg, avec nombre de scènes entrées dans les cauchemars collectifs que ce remake ne fera jamais qu'effleurer, aussi efficace soit-il. Cet aspect condamne derechef le long métrage à un match perdu d'avance contre un poids lourd sûr de lui. Mais le challenger, plus jeune, plus volubile, plus clinquant, doué d'un sens du show solide, ne démérite pas. Et surtout, il ne tombe pas sans combattre, offrant un spectacle divertissant en forme de best of des menaces de l'au delà.


Behind_the_Mask, en tenue de ghostbuster.

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le 27 juin 2015

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