Miyazaki fait revivre les années mythiques de l'aviation grâce à un anti-héros génial.
Avec ce film, Miyazaki a réussi ce que Schultz était parvenu à faire avec Snoopy et le baron rouge: un objet extraordinaire. Situant son action en Italie, il prend à contrepied les films d'aviation lambdas qui ont comme figures de proue des pilotes américains, britanniques ou français. De plus, son héros est un aviateur avec un avion rouge (rosso) qu'un sort à transformé en cochon (porco). Ce postulat de départ inouï est pourtant un prétexte pour dépeindre autre chose: la réalité atypique du pilote avec ses proches, ses amours et ses ennemis qui ne pensent qu'à une chose: se payer sa tête alors que ces vilains sont son gagne-pain de chasseur de primes (quelle ironie brillante!). En suivant cette piste après nous avoir mis sur une première qu'il ne suit pas, Miyazaki prouve une fois de plus son génie de la narration et il le fait,de plus, avec une grande modestie.
L'autre dimension de cet opus Ghibli, c'est sa grande richesse culturelle. Bien que japonais, Miyazaki a compris la force évocatrice d'une chanson comme le temps des cerises pour les Européens et a su transcrire leur mode de vie avec brio (du gros rouge de Porco à la vie du petit village italien où vit le mécanicien qui va réparer son avion). En tant que spectateur, je ne peux que voir le travail de documentation ainsi que les goûts personnels fins du réalisateur et me dire: chapeau, l'artiste!
Je voulais également parler de la voix française de Porco Rosso qui est celle de Jean Réno.Avec une grande justesse, l'acteur rend justice à ce personnage courageux et tenace même si ce pilote est un peu revenu de tout sans être complètement mélancolique. Puis, Jean Réno rend Porco Rosso trés vivant avec ses coups de gueule, ses rires et son côté tête de lard. Vous verrez aussi que ce film d'animation rend un hommage vibrant, poignant aux femmes.Des nonnas italiennes jusqu'à la tenancière du bar où Porco a ses habitudes,Miyazaki les met en scène avec émotion, respect et amour. Je ne saurai dire si cet hommage est emprunt des sentiments du réalisateur pour les femmes.En tout cas, il les magnifie.
Même si les spectres de la guerre ne sont pas loin, Miyazaki décrit des personnages profondément humains, prompts à avoir quelques faiblesses, mais veut montrer qu'une vie est riche de moments forts, de troubles et qu'il faut vivre avec cet éventail d'émotions. C'était déjà un point de vue qu'il abordait de façon différente dans Princesse Mononoké où son personnage vivait entre hauts et bas en pleine nature.
En tout cas, après visionnage, je me suis senti dans une plénitude absolue car les dessins du maître de l'animation japonaise sont aussi de rares pièces d'orfèvrerie. La bonhommie de Porco Rosso fait mouche et ce film nous a fait partir, ressentir et rire.A revoir.