René Clair et René Fallet partagent de nombreux points. D'abord, ils s'appellent René, précisons le. L'un est cinéaste, scénariste et réalisateur mais aussi écrivain. Tout comme René Fallet. Ce dernier a eu d'ailleurs de son vivant les honneurs d'une ribambelle de films adaptant ses œuvres, tels que Paris au mois d'août ou la Soupe aux choux. La grande ceinture, un autre de ses romans, est ici adapté par René Clair. Mais surtout, tous deux ont eu bien du mal à obtenir quelque postériorité. Grandes personnes de leur époque, elles ont été vite bousculées par la Nouvelle vague ou le Nouveau roman. Ringardisées.
Quand on prend l'exemple de ce film, il y a d'abord un contexte, celui du Paris des années 1950 et de sa ceinture comme on l'appelait, de sa banlieue urbaine mais sans les barres d'immeuble. Il y a l'épicerie, le bistrot, et tout un tas de personnes qui s'y retrouvent. Dont deux amis, Juju et l'Artiste. Juju est gentil mais un peu fainéant. Mélancolique et un peu porté sur la bouteille, il sait qu'il peut compter sur l'Artiste, qui n'a pas grand-chose, hormis sa guitare et sa grande générosité. Leur route croise celle de Barbier, brigand des grands chemins, pourchassé par la police, qu'ils vont cacher dans la cave de l'Artiste.
Dans cette France urbaine et pauvre, le film ne traite rien de moins que l'amitié. Et de ses contreparties. Chacun représente une facette négative de la figure de l'ami, entre la personne aveuglée par ce qu’il pense être de la camaraderie, celui qui en profite, et celui qui laisse faire. L’amitié a ses bons côtés sur lesquels on peut s’appuyer, mais elle ne peut pas tout supporter.
Si le film a plu en son temps, nominé pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, il a tout de même bien vieilli. Le misérabilisme de son cadre déçoit. Il n'est jamais expliqué pourquoi Juju et l'Artiste en sont là, à ce stade de pauvreté, cela leur semble naturel. Juju se morfond, l'Artiste chante la peine, et tout laisse penser que s'ils en sont là, c'est de leur faute. Tout comme ils se laisseront berner par les folies de Barbier.
George Brasseur joue Juju, cette bonne pâte un peu molle. Henry Vidal est Barbier, gangster énergique mais sournois. Et, si vous ne deviez voir qu'un film où jouerait George Brassens, cela ne peut être que celui-là. Où il est demandé à Brassens de faire du Brassens, l'air triste et affligé, la guitare à la main. On peut lui reconnaître de n'avoir pas poussé l'expérience plus loin, tellement il ne donne pas l'impression d'être à sa place.
Il n'y a pas de film sur l'amitié au cinéma sans parler de ses fêlures. Mais ici, la morale servie est à l'image du film, à grande louche. Une bonne soupe sans raffinement, qui remplit son estomac, et rien de plus.