Portrait d'une enfant déchue par Darling-Chérie
Premier film, premier chef-d'œuvre de ce photographe de mode new-yorkais ; Jerry Schatzberg signe avec la grâce en livrant en 1970, Portrait d'une enfant déchue. Tableau troublant d'une ancienne cover-girl, incarnée par Fane Dunaway, terrassée par sa dépression nerveuse et les reflets de ses excès. Le tout jeune réalisateur rend hommage à son modèle fétiche : Ann Saint Marie.
Comme une évidence, l'esthétisme prévaut dans ce premier opus. La qualité plastique est alors inébranlable, la lumière excelle, le cadre tout autant. Avec cette toile fantomatique, Schatzberg, novice, brûle toutes les étapes et devient maître. On soulignera la maitrise des rapports humains filmés avec un naturel et une simplicité hors du commun.
Cette pellicule illustre l'ascension et le désenchantement du rêve américain. Par la suite, Schatzberg fait de la détresse humaine une obsession filmographique, un thème mis en abyme dans Panique à Needle Park (1971), mais aussi dans L'Epouvantail (1973). 'Puzzle' soutient un style non narratif, non linéaire du montage, de plus que le caractère divisé de l'héroïne.
Faye Dunaway esquisse le destin tragique d'une femme-enfant. Incarnation bouleversante d'une féminité moderne à l'ascension fragile, d'une modernité en perdition. On retiendra la justesse de la folie présagée par son interprétation du rôle.
Lou Andreas Sand, icône déchue, s'est exilée dans une demeure au bord de l'océan, où elle entreprend de venir à bout de sa dépression en s'adonnant à la poésie et à la sculpture. Elle reçoit alors la visite de son ami photographe, Aaron Reinhardt, devenu réalisateur. Un entretien prend forme entre une égérie à la dérive et son ancien amant, alors venu l'interviewer en vue de réaliser un film sur sa vie. Lou évoque sa vie partagée entre élévation et déchéance, faisant allusions à des faits réels, comme à ses fabulations. Le réalisateur met en exergue le parcours de cette jeune fille fragile faisant son entrée dans le monde sulfureux de la mode. Des hésitations s'opèrent, et s'emparent de ce modèle, du succès se développant malgré elle, et qui finira par l'empoisonner. Le doute détient le rôle précurseur de sa carrière et de destructeur. De la crédulité enfantine, aux déboires de ce mannequin débauchée, de la beauté juvénile à la disgrâce de sa folie, de la séduction à la répulsion, de la fille chancelante à la femme indécise, Schatzberg livre le puzzle du sort de la femme moderne, femme insaisissable, femme à la dérive.
On se souviendra de cette bobine comme étant l'inspiration de l'affiche du 64e festival de Cannes, où Dunaway pose pour Schatzberg.