Le portrait d'une enfant déchue est le portrait d'un spectre, un être vaporeux, débarrassé de chair et de sang. De ce spectre on entend d'abord la voix, lointaine et étrange. Une voix qui semble provenir d'une maison isolée sur une île. Une maison hantée assurément au vue de la caméra hésitante à s'y approcher, freinée par la pancarte « No Trepassing ». Pourtant la caméra continue de s'avancer, bercée par la tonalité de cette voix, on veut savoir, on veut découvrir ce que cette maison renferme, quel mystère s'y cache, d'où provient cette voix.
Cette voix c'est celle de Faye Dunaway, ici vieillie, grimée par un maquillage grossier. Elle s'adresse à un homme, de dos, mais également à un magnétophone. C'est une confession, elle se raconte, fait un bilan de sa vie. L'homme qui l'enregistre, Aaron est un photographe. Lui qui autrefois captait son image, revient pour capter sa voix. Cette femme, Lou, qui se terre aujourd'hui dans un antre reculé, était autrefois modèle. Vivant de sa propre apparence, de son propre mensonge, elle n'était qu'une image. Une image fausse, désincarnée, sans vie. Même plus intéressante pour les photographes, à quoi bon immortaliser sur photo une image déjà morte. Elle s'inventait alors des stratagèmes pour tenter d'exister. Lors d'une photo d'un baiser jugé trop statique, elle simule une fausse vérité sentimentale avec son partenaire pour essayer de rendre le portrait vrai, intéressant à être capturé. Elle se ment à elle-même et aux autres. De cette image vont naitre plusieurs images, des fragments éparpillés de sa vie, formant un portrait kaléidoscopique. Cette femme en morceaux essaye de se reconstruire, de ce bâtir un portrait. Mais ce portrait est bizarre, car les morceaux qui le composent ne sont pas forcément le reflet exact de la réalité. Ce sont peut être des fantasmes, des moments de vie à la réalité déformée. Aaron photographe n'est jamais parvenu à atteindre la vérité de cette femme, à déchiffrer son mystère. Il ne captait que son reflet, atteignant son corps uniquement par l'intermédiaire d'un jeu de rôle, mais où est son cœur.
Sa vérité, ce qui l'anime, la remplit, il ne la découvrira pas non plus à travers sa voix. Elle aussi semble biaisée, fausse, déconstruite. A travers la juxtaposition de cette parole et de ses images, ce n'est pas le portrait d'une femme qui apparaît, mais celui d'une créature.
Portrait d'une enfant déchue, portrait d'un spectre qui ne prendra jamais corps et qui s'éloigne dans le flou, retourne dans les limbes.
Teklow13
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le 13 févr. 2012

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