Réalisateur polonais, Andrzej Zulawski s'exile en France au cours des 70's suite à l'interdiction du Diable (1972) dans son pays natal jusqu'en 1988. Après L'important c'est d'aimer (1975) où Romy Schneider trouve un de ses rôles les plus forts, il revient au pays grâce aux autorités pour Sur le globe d'argent, film de science-fiction qu'il tourne en grande partie avant que le nouveau gouvernement n'arrête le tournage, empêchant le réalisateur de travailler dessus. Ce qui amène Zulawski à repartir en France in extremis. Ce tournage catastrophe, ajouté à un divorce houleux et à l'alcool, amènent le réalisateur à travailler sur Possession, un film traitant justement d'un couple en voie de séparation et dans une phase totalement explosive.
Le tout en plein Berlin, ville témoin des tensions entre les blocs de l'est et de l'ouest. Tourné sur place, le film montre une ville à deux face et en pleine décrépitude. Elle symbolise en quelques sortes le couple star, à la différence que le mur est bien visible à l'œil nu. L'atmosphère pesante du film se développe en premier lieu dans les lieux. D'un côté, l'appartement du couple absolument banal, mais lumineux. De l'autre, l'appartement de l'amant aussi délabré que sombre. Le mur entre le couple se dévoile également dans la scène du bar où Isabelle Adjani et Sam Neill sont assis à deux extrémités, ne se regardant que sur le côté.
La violence se dévoile à travers le couple, mais aussi leurs actions seuls. Deux personnages impulsifs qui se font du mal à eux-mêmes et aux autres, n'hésitant pas à tuer pour arriver à leurs fins. Dans le premier cas, comment ne pas évoquer la crise spectaculaire d'Adjani dans le tunnel, aussi longue qu'épuisante ? L'actrice a tout donné au point de se faire beaucoup de mal psychologiquement. Elle dira d'ailleurs qu'elle regrettait d'avoir accepté le rôle (d'autant qu'elle l'avait refusé au départ), Zulawski l'ayant amené vers des choses qu'elle n'aurait pas imaginé d'elle et qui l'ont durablement traumatisé, malgré toutes les récompenses qu'elle a reçu pour le film (dont le César de la meilleure actrice). Sam Neill n'est pas mieux loti, incarnant un homme à la déroute. Le duo peut être très calme, comme totalement excessif, partant dans des crises violentes au niveau des cris et des gestes.
Puis il y a le fameux amant, créature multiforme créée par Carlo Rambaldi. Le concepteur d'ET n'a pas eu le même budget que sur le film de Steven Spielberg, mais il a conçu une créature que l'on voit peu mais bien et qui évolue au fil du film. On peut ainsi la voir un peu comme une larve, puis comme une sorte de créature-tronc et ainsi de suite jusqu'à arriver à une forme qui n'est pas sans rappeler les films autour des Body Snatchers. D'autant que le doppelgänger est un sujet récurrent du film avec des copies positives et négatives.
L'enfant du couple (Michael Hogben) est peu présent aussi, mais il anticipe beaucoup de choses grâce à des dons de voyance. Le final nihiliste ne fait que renforcer l'idée d'une expérience sinistre, difficile et sans pareil dans la production française. Au point que Possession est encore un des films d'horreur / fantastique français les plus connus dans le monde. Le plus ironique étant qu'il a fallu que Le chat qui fume s'y intéresse pour avoir enfin une édition décente en France.