Au fil des années, j’ai croisé plusieurs fois sur le web l’affiche de Possession, que j’ai pendant tout ce temps trouvé captivante, à la fois sublime et pleine de mystère. De quoi pouvait donc parler ce film, qui réunit une actrice française et un acteur britannique devenu star Hollywoodienne, sous la direction d’un cinéaste d’Europe de l’est ? (d’Ukraine, plus précisément)
Jusqu’à ce que je voie le film aujourd’hui, je n’en savais pas tellement plus. Si ce n’est que Possession est un film culte.
Andrzej Zulawski est mort il y a quelques jours, et comme trop souvent, c’est seulement après ce type d’événement que je me suis enfin penché sur son œuvre.
Je m’attendais à une sorte de thriller ou film d’horreur psychologique à la Polanski. Je ne m’attendais pas à un film aussi… incongru.
Zulawski a écrit Possession alors qu’il traversait un divorce, et justement le film nous présente la séparation d’un couple avec un enfant. Le mari découvre que sa femme a couché avec un autre homme dans son dos, pendant son absence due à son travail.
Une situation plutôt classique, mais représentée de façon aussi déstabilisante que possible. Ce n’est pas loufoque, ce n’est pas décalé ; j’ai surtout eu l’impression de voir une réalité qui se serait brisée et qu’on aurait essayé de réassembler du mieux possible. On reconnaît alors des situations ancrées dans le réel, mais qui ont toujours quelque chose qui ne tourne pas rond, sans qu’on puisse forcément mettre le doigt dessus. Ca peut être en raison des dialogues de sourds, le décalage entre le jeu des acteurs et ce qu’ils expriment, ou la caméra qui fait des folies, mais toujours avec une fluidité de mouvement maîtrisée.
Il y a des trouvailles visuelles très ingénieuses, qui vont généralement de paire avec l’action. Mais globalement, les choix de mise en scène servent à créer un malaise, voire donner le tournis. Quand le protagoniste se balance sur son rocking-chair, un plan large n’aurait eu aucun effet, mais là il passe devant la caméra à chaque fois qu’il se redresse, ça fout légèrement la nausée, et en même temps retranscrit l’intériorité du personnage.
Je crois que Zulawski a voulu extérioriser tout ce qu’on garde normalement en soi, exposer à l’image les ressentis de façon crue et irréelle.
C’est très déconcertant au départ, mais je me suis efforcé de rester ouvert à ce que le film proposait. Et sa bizarrerie pousse à rester attentif, pour mieux saisir ce qu’il se passe.
C’est en cela que Possession est captivant, mais aussi parce qu’il s’en dégage une grande énergie (une énergie négative, évidemment).
L’engagement des acteurs est impressionnant, non seulement parce qu’ils ont dû désapprendre leur façon de jouer habituelle (et pourtant, ils parviennent à faire passer l’étrangeté de leur jeu avec naturel), mais surtout Sam Neill et Isabelle Adjani se déchaînent, comme véritablement possédés.
Les personnages sont à vif en permanence, et on veut nous faire comprendre que c’est dans ce type de drame que réside la souffrance véritable, dans ce type de déchirement sentimental. Il y a une scène où le couple se mutile, et là au moins ils s’accordent sur une chose : "it doesn’t hurt" – "no".
Toutefois, même en ayant conscience des intentions du réalisateur, qui exagère et déforme toute situation, il y a des séquences où j’ai trouvé que ça en faisait trop, dans l’hystérie. Ou alors ça durait trop longtemps.
Ayant eu vent de l’aspect fantastique du film, je m’attendais à ce que le titre se réfère à un démon, mais rien de cela. Il y a bien une créature, vraiment immonde, ça faisait longtemps que je n’avais pas été dégoûté par un monstre dans un film, mais pas de possession satanique, non (alors virez-moi Possession du top SensCritique des meilleurs films d’exorcisme, sérieusement, qu’est-ce que ça fout là ?).
Le film fait écho à une réflexion que je m’étais faite il y a quelques années : les relations de couple relèvent d’une question de possession, d’appartenance. Dans une situation normale, l’intérêt d’être en couple avec quelqu’un est de se l’approprier, avoir l’exclusivité d’un certain usage que l’on fait de cette personne. Et dans Possession, deux hommes cherchent à s’approprier la même femme.
L’histoire, présentée autrement, ne m’aurait pas touché plus que ça. On assiste à la séparation d’un couple, sans avoir vu l’amour qui a désormais totalement disparu. Je n’ai donc pas vraiment eu d’empathie par rapport à cela. Mais c’est la façon dont est mise en scène cette histoire qui change tout.
La réalisation, qui accapare l’attention, m’a fait perdre de vue le propos pendant un temps, l’évolution des personnages et l’acceptation de la situation par le mari s’étant retrouvée au second plan à mes yeux. Je pensais que le sens de la dernière demie-heure m’avait échappé, mais après avoir parcouru quelques explications sur internet, je me rends compte que l’histoire de Possession est bien plus simple que je ne l’imaginais.
C’est une intrigue ordinaire, présentée de façon extraordinaire.
Vraiment un bon film, que j’aimerais revoir pour mieux le comprendre, mais c’est quand même éprouvant…