Classique, baroque, expressionniste et beaucoup d'autres choses encore. On embarque dans le train, et on n'a pas une seconde de répit. Pousser à ce point l'autodestruction entre deux personnages, faut être sadique pour faire ça. Mais si le film s’arrêtait à ça, on n'en parlerait plus; intervient une étrange créature qui chamboule tout le sens, et on plonge dans le mysticisme le plus profond!!! Caméra survolté, acteurs habités (comment ne pas l'être), et Isabelle en état de grâce. Elle explose littéralement la caméra, l'écran, tout ce qui s’ensuit. Elle est enfin tombée sur un réalisateur qui ose la faire jouer réellement. Objet polysémique, et obsédant comme une drogue dure, utilisation de travellings avant et latéraux remplis de présence... Le corps sujet est ancré dans le propos du film, dans son dedans ; corps souffrant, palpitant, sans mise à distance, objet. Presque proche du "nouveau théâtre", et des dialogues qui vont de la logorrhée verbale à l'économie de mots pur et simple, qui nous laisse sans moyens de défense, et nous envoie directement en cure. C'est excessif, mais Zulawski est excessif ou n'est pas.
Que des morceaux de bravoure dans le truc: Le solo d'Adjani dans le métro, ou se mêle jeu d'acteur, et improvisation, "danse?", performance d'actrice à improvisation (?) est d'anthologie. À montrer dans toutes les écoles d'art du monde. En voyant ça, je comprends qu'on puisse décerner un prix d'interprétation ; là, ça veut dire quelque chose. Son face à face, plein de sous-entendus, avec une sculpture du Christ, en champ-contre champ/ plongée-contre-plongée est un magnifique coup de cinéma, dans tous les sens, (dans ta gueule), terriblement vivant et poignant. Entre autre choses encore, dont je ne peux parler ici. Ce genre de film se ressent surtout. Alors on parle de quoi dans ce film?
De la lente dégradation d'un couple à l'ombre du mur de Berlin, de la folie, furieuse, et apparemment communicatrice, ou de la rédemption, la monstruosité, et la corruption en dedans, et à l'envers des mots, et de la chair, la matière humaine? De la censure, de la dictature qui oppresse les corps, et contraint nos esprits? Ou de science fiction peut-être...Cette créature, c'est quoi? Ce film est chargé, et pas qu'en symboles...Il y a (plus de) dix ans, je l'ai revu, j'étais avec des potes étudiants, et une fille me disait que c'était la passion amoureuse?? Je n’avais pas pensé à ça...?! Et je ne suis pas sûr que Zulawski lui-même, ait un script limpide à nous donner. Comme toute œuvre d'art véritable, il y a un mystère que les visionnages n'arriveront pas à épuiser. Avant hier je l'ai revu, et la fin apocalyptique, sonore, bizarre, qui nous laisse sans réponse, me fait penser au premier contact entre nous.........et une entité supérieure, extraterrestre. Génial. En fait c'est un film de "science-fiction". D'inspiration unique qui transcende les genres, qui dit beaucoup, par une économie de moyens qui laisse baba, ça n'arrive pas tous les jours.
Classique et culte, je persiste et dis.