Stanley Kramer, d’abord producteur avant d’aller lui-même au charbon, semble ne pas avoir voulu faire le chemin pour rien, tant il semble s’être attaché à traiter de grands sujets, et à n’y pas aller avec le dos de la cuillère. En découle principalement des films à thèses, qui ont les défauts du genre, soit une lourdeur pas toujours supportable, et une volonté de faire passer son message à tout prix qui peut rebuter les nuques raides.


Cela peut donner de vraies réussites, comme l’important Jugement à Nuremberg, ou l’important également, quoique plus localement — le créationnisme semblant plus prégnant tout de même outre-Atlantique — Procès de Singe, ou encore le naïf mais mignon Devine qui vient dîner. Cela donne des choses plus contestables, lorsque sa lourdeur reste mais que le sujet ne la justifie plus, comme le laborieux Secret de Santa Vittoria ou l’interminable Mad, Mad, Mad, Mad, Mad, Mad, Mad World (le titre est peut-être moins long, mais le film l’est beaucoup plus).


Pour son premier film en tant que réalisateur, attention, allergiques aux effets (beaucoup) trop (mais alors vraiment) appuyés, fuyez, vous allez éternuer souvent, tant un personnage ne peut ruminer sa colère sans briser un stylo entre ses doigts, ni avoir l’air intelligent mais insensible sans qu’un autre lui dise « tu es intelligent mais insensible ». Autre allergie possible, qui complète bien la première, les symboles au-delà du lourdingue, comme un lâcher de jument en chaleur au moment où, précisément, Gloria Grahame trouve que cela s’est bien radouci ce soir.


Robert Mitchum, arrogant et impulsif comme Robert Mitchum, accompagné de son ami Frank Sinatra, sympathique et frêle comme Frank Sinatra, étudient tous deux la médecine (bien qu’ils semblent bien âgés pour n’en être que là, mais passons). Sauf que là où les apprentis bouchers ne semblent s’intéresser qu’à leurs futures Cadillacs, Bobby ne pense lui qu’à être un Hippocrate moderne qui guérira le monde de ses furoncles à défaut de ses péchés. Preux, donc, mais évidemment désargenté (à cause d'un père alcoolique, cela va de soi, au point où on en est dans les poncifs), il ne lui en faudra pas moins épouser une Olivia de Havilland particulièrement vieillie — alors qu’en vrai elle a enterré tous les individus nés au vingtième siècle, à un point qui commence à moi-même m’inquiéter — et enlaidie, afin de financer la fin de ses études.


Nous touchons là au vrai sujet de notre ami Stanley, la contradiction entre les grands idéaux et les petites bassesses utilisées pour les atteindre, et on pourrait (gratuitement ?) extrapoler en pensant à certains massacres nécessaires à l’édification de grandes doctrines altruistes. Autre contradiction, le bien en soi recherché par notre docteur Bob, et le mal de fait qu’il fait autour de lui, et, au bout du compte, à lui-même, dans une recherche d’absolu toujours vaine, on ne cesse de vous le dire, mais vous n’écoutez rien. Sur ces points le scénario n’est pas bête, et même plutôt pas inintéressant, et même, pour tout dire, m’a bien plu.


Si bien que si l’on parvient à passer outre le parti pris esthétique pré-De Palma, on peut profiter un peu de cette histoire certes cousue de fil blanc, mais pouvant aller un peu plus loin qu’en apparence. On peut même si on y tient se dire qu’il s’agit là d’un bon exemple d’ultra-classicisme hollywoodien, certes un peu indigeste mais somme toute vaillamment défendu. On peut de toute façon au moins prendre plaisir au quart d'heure de Mitchum médecin de proximité, qui préfigure un docteur cynique de série télévisée qu'une désormais lointaine mais j'imagine toujours charmante amie m'imposait jadis.


On peut surtout, et quoi qu’il arrive, profiter du casting, avec nos deux messieurs un tout petit peu irrésistibles chacun dans leur genre, notre Olivia que ceux qui l’aiment continueront d’aimer et que ceux qui l’aiment moins auront une bonne occasion de rabaisser, et un Charles Bickford encore bien vert pour quelqu’un qui n’est finalement pas tout à fait au top.


A noter que cela permet également de vérifier cette histoire de grenouille test de grossesse dont on avait vaguement entendu parler d’une oreille distraite et incrédule, et de s’apercevoir que c’était en réalité un test tout à fait fiable, qui n'empêchait pas ces petites bêtes de vivre 60 piges tout en ayant servi plusieurs fois, à vous faire regretter de ne pas avoir à certains moments été plus intime avec un de ces valeureux batraciens, cela aurait coûté moins cher que ces saloperies électroniques.


[Titre alternatif : Un traitement de bourrin, mais c'était trop transparent.]

Duan

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