Tellement de documentaires ces jours-ci se consacre à raconter de divers conflits au Moyen-Orient, et bien qu'ils veuillent admirablement raconter l'histoire des événements qui s'y déroulent, ils ne sont pas forcément poignant. Nous voyons des citoyens, des décors, d'assister à des événements désastreux répétitifs, mais nous ne ressentons jamais un grand impact car ces images sont perçus banalement. Ce qui nous manque, c’est le sens du fonctionnement de la ville, le sens de la communauté, le sens de la vie, de la culture, des multiples histoires qui se déroulent les unes sur les autres en même temps.
«For Sama» offre cela et bien plus encore. En son cœur, c’est l’histoire d’une jeune femme (la réalisatrice Waad al-Kateab) qui est en amour avec sa ville et qui commence une famille avec son mari et son nouveau-né (nommé Sama). Tout au long du film, elle raconte certaines de ses pensées comme si elle écrivait à son enfant. Bien entendu, l’histoire parle aussi des efforts de ce couple pour vivre et aider leur communauté alors qu’Alep est progressivement assiégée. De la même manière que «Midnight Family», le film est entièrement constitué de séquences tournées par Waad, journaliste vidéo de profession. Par conséquent, le film fonctionne en tant que récit personnel de la guerre, en tant qu'une histoire d'un couple élevant une famille, en tant qu'une lettre d'amour pour un enfant, en tant qu'une réflexion sur la maternité et en tant qu'une représentation des derniers signes de la vie d'une ville. Pas simplement un film de guerre syrienne moyen.
Très peu de choses nous choquent ces jours-ci. Nous avons été incroyablement désensibilisés à ce qui devrait être traumatique. Pourtant, ce film m'a choqué. Il y a eu quelques moments où j'ai dû me couvrir la bouche, une scène au milieu du film en particulier (vous saurez quand vous la verrez). C’est vrai, ce n’est pas un film facile à regarder, mais il n’est jamais exploiteur ni immature. La violence montrée est froide, crue, et réelle. Il me semble nécessaire de la voir pour vraiment comprendre le carnage. Heureusement, ces moments troublants ne couvrent pas tout le film, ce qui nous laisse la possibilité de respirer et de laisse l'intensité de côté pendant certains moments.
Un léger sentiment de tension règne tout au long du film si vous ne savez pas comment le film se terminera (ce qui était mon cas). Je me demandais toujours si l'enfant ou le mari allait mourir, ce qui m'a toujours tenu sur le bord de mon siège, surtout en sachant qu'Alep est un endroit où tout peut arriver à tout moment. La présence de cette tension est également un témoignage à quel point je me suis inquiété pour ces personnages.
Ce film est enveloppé par la structure narrative formé autour de la vie des habitants qui tentent de sauver leur ville. Les questions morales qui se posent sont mêlées au destin des personnage alors qu’ils essaient de trouver la bonne façon de vivre leurs vies. Le film présente un arc magnifique et tendre pour le couple central, chose assez rare à voir dans un médium comme le documentaire où il est pratiquement impossible de planifier des récits. A voir absolument.