J'aime bien Jamel Debbouze. Même s'il a l'air d'avoir plus ou moins renoncé à évoluer dans l'humour, il me fait parfois marrer et contrairement à un de ses anciens camarades de jeu, il n'a pas tourné dans une publicité pas drôle et moralement douteuse pour une banque. Bon, à la place, il a joué dans Hollywoo, une des pires comédies françaises de la décennie, ce qui n'est pas franchement mieux, je vous l'accorde. Mais il tente des trucs de temps en temps, le bonhomme, comme d'apporter son soutien à des films comme La Marche, gentil petit long-métrage engagé qui s'est lamentablement planté. Et maintenant, il passe carrément à la mise en scène. Mais pas pour une comédie de trentenaires à la con, tournée en deux semaines. Non. Pour un film d'animation tiré du roman très particulier de Roy Lewis, Pourquoi j'ai mangé mon père.
Un projet casse-gueule mais ambitieux qui mérite d'être salué, du moins dans les faits. Car si les intentions du jeune metteur en scène, assisté de Jean-Luc Fromental, étaient louables, il faut bien reconnaître que le résultat s'avère malheureusement catastrophique à tous les niveaux. Totalement en roue libre, comme si personne autour de lui n'osait le recadrer, Jamel Debbouze fait absolument n'importe quoi avec le livre de Roy Lewis, avec son scénario, avec son film, et surtout avec son budget conséquent de plus de trente millions d'euros.
Dès le titre, Jamel Debbouze semble vouloir prendre ses distances avec le matériau d'origine, transformant une fable décalée et totalement absurde en conte inoffensif et survolté pour bambins. Du roman, il ne reste quasiment plus rien, à tel point que l'on se demande bien pourquoi l'humoriste s'est emmerdé à récupérer les droits d'une oeuvre pré-existante au lieu de partir sur une base totalement originale.
Pendant près d'une heure et demie, Pourquoi j'ai pas mangé mon père nous "offre" un spectacle navrant de bout en bout, ne décollant jamais véritablement, et ne reposant que sur un humour lourdingue et hystérique, ainsi que sur une poignée de références complètement à côté de la plaque et n'ayant rien à foutre là. Même le message, positif et ouvert sur la différence, peine à s'imposer et à sortir de la banalité.
Fruit d'une production visiblement faites avec une désinvolture criminelle malgré l'emploi de la performance capture et un budget plus que confortable (mais bien loin de rivaliser avec la concurrence américaine), la facture technique du film est également pauvre et obsolète. Sans être la plus laide du moment, elle semble inachevée, comme si le temps ou l'envie avait manquée pour fignoler le travail et aboutir à quelque chose d'un minimum présentable.
Si je salue bien bas l'effort de Jamel Debbouze de s'attaquer à telle entreprise, je ne peux que pointer du doigt son incapacité à se remettre en question et à mener à bien un projet qui aurait pu être franchement sympa. L'exercice est peut-être sincère mais il est surtout incroyablement mauvais et phagocyté par son jeune cinéaste, trop occupé à faire le con pour se rendre compte qu'il entraîne tout le monde dans sa chute.