Fana d'histoires de voyages dans le temps depuis toujours, je me suis jeté sur Prédestination avec la ferme intention de passer un moment divertissant, plein de surprises et de rebondissements. J'aimerais pouvoir revenir en arrière.
J'avais lu ici et là sur le net que le film "vous retourne la tête", je pensais donc me trouver devant une œuvre de SF surprenante, parvenant a perdre le spectateur dans les méandres d'une intrigue complexe servie par une mise en scène aussi brillante que rusée. Verification faite, soit je suis un cameleon doué d'une intelligence supra normale, soit c'est simplement mal branlé.
Faites gaffe, je balance des spoilers, mais nous le verrons, le film s'en sort tres bien pour ce qui est de se spoiler tout seul comme un grand.
Dés le départ, le film semble hurler "ATTENTION ! IL VA Y AVOIR UN TWIST DE OUF ! FAITES COMME SI DE RIEN N'ÉTAIT !". Dans la première séquence, on decouvre le personnage principal défiguré avant de subir une intervention qui l'amènera à changer de visage et de voix.
Première puce a l'oreille: nous sommes dans une intrigue qui a recours au voyage dans le temps et nous ne connaissons pas le vrai visage du héros... "Ho ! Mais se pourrait-il qu'on croise plus tard ce même protagoniste sous d'autres traits ?" se demande alors l'habitué des recits de voyages temporels.
Plus loin, notre voyageur du temps, devenu barman, discute avec un client que l'on essaye de nous faire passer pour un homme, homme sous les traits duquel le spectateur le moins attentif aura immédiatement reconnu une femme, travestie tant bien que mal en garcon par les maquilleurs du film.
Et c'est l'un des principaux défauts du film. Si l'histoire pouvait tout a fait fonctionner dans sa forme littéraire elle est ici desservie par la realisation et ses tours de passe-passe qui tombent a l'eau. Toute tentative de semer le doute et de dissimuler l'evidence échoue systématiquement. On repère immédiatement que certains plans sont amenés a être revus plus tard sous un angle différent , du coup on réfléchit (peu) et on devine rapidement ce qui se cache hors champ.
Passons outre le fait que le paradoxe temporel au cœur de l'intrigue soit probablement impossible, (en gros, un voyageur du temps victime d'une anomalie genetique a changé de sexe et est parvenu a s'enfanter lui même. Génétiquement parlant, si je couche avec moi même, j'accouche de moi même ? ) si ça avait été mieux ficelé la question ne se serait certainement pas posée, mais on devine bien trop vite qu'il est question du principe du serpent qui se mord la queue, le suspens s'envole et l'ennui s'installe.
Le probleme c'est que tout sonne faux, et qu'on a rapidement le sentiment d'être pris pour un lapin de six semaines par les realisateurs. Alors poliment, parce que, quand même, les images sont belles, les acteurs sont bons et que la reconstitution des differentes epoques est soignee et plaisante, comme on le ferait devant le spectacle de fin d'année d'un petit frere en ecole primaire, on fait semblant et on espère qu'a un moment, le film va bien finir par nous surprendre. En vain.
Dépouillant l'efficace et breve nouvelle de Heinlein (lue par la suite) de tout second degré pour en faire un banal film de voyage temporel cousu de fil blanc, les frères Spierig, d'ordinaire efficaces, signent ici un pretentieux film de SF d'un serieux consternant et embarassant qui ne déplaira certainement pas à ceux qui voient dans le Lucy de Luc Besson un chef d'œuvre hautement philosophique. On conseillera aux autres de voir ou revoir des films bien plus malins tels que Timecrimes, F.A.Q. About Time Travel, Safety Not Guaranteed, ou O Homem do Futuro.
Dommage, avec une bonne heure de moins, ça aurait fait un chouette épisode de La Quatrième Dimension. En l'etat, c'est juste de l'esbroufe: le voyage dans le temps pour les nuls.