Time travel for dummies
Fana d'histoires de voyages dans le temps depuis toujours, je me suis jeté sur Prédestination avec la ferme intention de passer un moment divertissant, plein de surprises et de rebondissements...
le 3 déc. 2014
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Le voyage dans le temps au cinéma c'est toujours un truc à part. Plutôt que de partir sur une recette classique, Predestination pousse à fond les paradoxes en misant sur une boucle temporelle complètement fermée et une narration éclatée. Contrairement à pas mal de films du genre, l'altération du continuum espace-temps n'est pas étudiée depuis un point de départ identifié, ni depuis un point d'arrivée. L'idée est ici de nous mettre dans le labyrinthe des altérités à un moment où plus personne ne sait où est le début et ni qui a commencé à faire quoi, le dialogue sur l'oeuf, la poule et le coq est en ce sens une note d'intention des réalisateurs (mais pas que, puisqu'il résume également toute la thématique sous-jacente au film).
Le problème, c'est qu'à force de faire les malins et de superposer les paradoxes insolubles, les réalisateurs ne font pas grand chose du potentiel du film. Le twist final est ainsi éventé très tôt, les éléments les plus intrigants de la scène d'introduction ne peuvent avoir qu'une seule explication "logique" et c'est celle qui nous est offerte en guise de conclusion. Je mets "logique" entre guillemets car on est bien sûr ici dans une logique narrative, dramaturgique et non dans une logique cartésienne, celle-là même qui ne trouvera aucune satisfaction à l'issu des 97 minutes de films. Les mystères et autres identités secrètes étant vite percés à jour on attend alors qu'il y ait un bouleversement dans tout ça, que ces éléments nous conduisent enfin à ce petit moment où la machine se grippe. Ne cherchez pas, ce moment n'arrive jamais et le film de s'effondrer alors.
Toute la thématique spatio-temporelle ne pourrait être qu'un prétexte pour l'autre sujet du film : l'identité, en lien avec la sexualité et les normes sociales. Le changement, les doutes, les questions qui s'inscrivent durablement. C'est aussi le cas et ce n'est pas inintéressant, mais la surabondance de pirouettes scénaristiques peine tout de même à se justifier et on sent que derrière la prise de tête évidente pour accoucher d'une histoire pareil, les scénaristes ne savent pas vraiment où ils veulent nous emmener.
C'est dommage car Predestination c'est aussi des acteurs convaincants (mention spéciale à Sarah Snook, parfaite), une mise en scène sympa (même si de nombreux effets participent à éventer les retournements de situation) et une atmosphère assez réussie. Et puis il y a aussi cette histoire particulièrement tordue qui donne un côté attachant au film, il se dégage une sorte de sincérité glauque. Quand on l'écrit c'est encore plus frappant (attention, ça spoile tout le film) :
Car au fond Predestination c'est l'histoire
d'une personne née à la fois femme et homme qui retourne dans le passé, après avoir changé de sexe, pour se féconder elle-même et ainsi accoucher... d'elle-même également. Chaque grande étape de sa vie est marquée par une haine dont la source n'est autre... qu'elle-même mais sous des formes à chaque fois différentes. Quand on y pense, Œdipe à coté, il a une vie normale.
Bien que plus malin que plein d'autres longs métrages sur le sujet (coucou Looper), Predestination n'arrive cependant pas à être le film qu'il aurait pu être. Il n'en reste pas moins une vraie curiosité, un film imparfait et boiteux mais qui mérite d'être découvert à défaut d'être systématiquement apprécié.
Créée
le 16 déc. 2015
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