C’est la première fois que je commence à regarder un film tout en apprenant son existence, et ce n’est pas pour me déplaire, cela libère l’esprit de toute idée pré-conçue, si ce n’est l’impatience de la découverte.
Préjudice donc, est un film qui nous permet de suivre sous forme de huis-clos une petite dizaine de personnages au cours d’un repas de famille. On comprend assez rapidement que quelque chose ne va pas avec Cédric, la trentaine, l’un des enfants qui habite toujours chez ses parents, chez qui l’intrigue a lieu. Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond ? C’est autour de cette question que le film prend corps.
À travers les interactions entre les différents personnages, un malaise sous-jacent et permanent jalonne les discussions, et il ne cesse de grandir tout au long du film. Tout est ancré dans le présent, on ne nous replace dans aucun contexte, c’est à travers les dialogues que l’on comprend les relations qui lient les personnages, et grâce à une utilisation intelligente d’une musique entièrement constituée de percussions et d’un soupir de violoncelle, les tensions à l’intérieur des personnages sont magnifiées.
Cédric semble avoir des difficultés pour s’exprimer, agir, prendre des initiatives… Mais ce quelque chose qui ne va pas n’est jamais explicité, et c’est au spectateur de chercher à comprendre non seulement le décalage entre Cédric et les autres, mais également les causes qui font que Cédric est différent.
Et c’est sur la recherche des causes que le film prend tout son intérêt. Au fur et à mesure que l’on en apprend sur les personnages, on n’est plus tout à fait certain du manque de normalité de Cédric. Des parallèles tout à fait intéressants sont dressés autour du personnage de son petit neveu de 5 ans, qui réagit de façon similaire à Cédric lorsqu’il est présenté aux mêmes situations, mais n’est pas pour autant traité de fou. L’interprétation du spectateur sur les explications des comportements des personnages ainsi que sur les causes qui font que Cédric est un être marginal, est entièrement ouverte, mais les pistes que posent le film sont très bien pensées.
L’histoire prend son envol dans la deuxième moitié du film lorsque Cédric commence réellement à s’exprimer sur son manque présumé de normalité, mais en dire plus serait gâcher le plaisir à le découvrir.
Tous les personnages sont très bien travaillés : un père qui ne sait plus comment traiter les problèmes de Cédric, une mère (incarnée à merveille par Nathalie Baye) qui impose ses règles depuis toujours sans les remettre en cause, des beaux-frères et soeurs qui réagissent chacun à leur manière au comportement de Cédric et de sa famille…
Des mots du réalisateur, et vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’un “feel-good movie”. Pour autant, l’intelligence de sa réalisation et des questions qu’il fait poser sur la normalité, la folie, les liens familiaux (liste non-exhaustive) en font un film des plus intéressants et notables de ce début d'année.