Le lexique du temps
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A la sortie du cinéma, j'ai compris que "Premier Contact" faisait partie de cette poignée de films de science-fiction qu'on peut appeler chef d’œuvre. Il réussit à nous surprendre véritablement, sans essayer de nous perdre volontairement pour faire croire à une œuvre hautement supérieure aux autres. "Premier Contact" a réussi à éviter les pièges qui ont empêché à mes yeux de ranger "Interstellar" dans la catégorie des chefs d’œuvres: installer une véritable réflexion sur l'être humain, notre rapport aux autres, notre inter-communication... sans tomber dans le pseudo discours scientifique un peu fourre-tout pour épater la galerie.
Denis Villeneuve nous offre plus qu'un simple film sur des extra-terrestres, il nous livre un film très humain, qui pose beaucoup de questions sur ce que l'on est, sur les différentes manières de percevoir le monde selon nos origines ou nos fonctions, sur notre rapport aux autres, la part importante du conflit dans nos relations aux autres... L'idée de dispatcher les informations dans douze pays différents qui ont des systèmes politiques et de pensées radicalement différents offre dans un premier temps une réflexion sur les difficultés de compréhension entre les différents langages, comment des traducteurs qui ont des langues maternelles différentes (donc par extension des façons de penser différentes) proposent des méthodes et des traductions totalement différentes pour régler un même problème.
Le langage est plus qu'un simple moyen de comprendre l'autre: c'est également la quête éternelle de l'homme à acquérir toujours plus de connaissances, c'est découvrir de nouveaux modes de pensée, découvrir d'autres concepts... Denis Villeneuve pose aussi toutes les questions qui en découlent: comment l'homme réagirait devant les possibilités infinies de la connaissance, devant l'unité possible du monde, quelle est la place de l'individu dans ce monde... Les hommes et femmes de science sont fascinés et prennent le temps de découvrir les merveilles que ces êtres venus d'ailleurs peuvent leur faire découvrir. À cette sagesse, cette patience et cette curiosité des scientifiques s'oppose la peur irraisonnée de la population, de l'armée et des politiques qui craignent l'inconnu, veulent être considérés comme des héros et qui refusent le dialogue et l'écoute. Plus d'une fois ce refus du dialogue risque de virer à la catastrophe dans le film et nous rappelle toutes les fois où dans l'histoire le refus du dialogue, la peur et la haine de l'autre a entrainé des conflits terribles.
"Premier Contact" réussit à éviter de perdre le spectateur dans trop de réflexions scientifiques et philosophiques en sortant des codes du film de science-fiction et en offrant un véritable mélodrame très intense. Le personnage de Louise réussit à être poignant et émouvant, les flash-backs nous montrent une femme à la fois passionnée par son travail mais également en proie aux doutes: doutes sur elle-même, sur sa relation aux autres, sur ses sentiments... Ces scènes simples nous ramènent à une dimension humaine, sociale, presque spirituelle. Elles permettent le développement personnel du personnage magnifiquement interprété par Amy Adams. Le personnage de Ian, interprété par Jeremy Renner (qui retrouve enfin un rôle digne de son très grand jeu d'acteur, depuis "Démineurs" en 2009 les rôles auxquels il était cantonné ne lui permettaient pas de montrer autant de facettes) permet d'apporter une touche d'humour, de légèreté qui entre en contraste avec son personnage de scientifique cartésien. Le lien qu'il entretien avec Louise est très fort, l'évolution de leur relation est très bien amenée et il ne fait jamais d'ombre au personnage principal. Il reste un très bon soutien, il offre une vision différente sur les problèmes que rencontre Louise et permet à cette dernière d'avancer. Tous les personnages secondaires permettent de mettre en valeur le personnage central et ont tous des rôles très différents, rarement manichéens. Le général chinois qui parait aux premiers abords dangereux, que tout le monde trouve "borné", est en réalité un personnage très complexe, profondément humain et qui sait entendre raison quand on lui dit ce qu'il a besoin d'entendre.
Denis Villeneuve réussit à nous offrir un très bon film grâce à une mise en scène simple et sobre, une musique variée et adaptée (de Max Richter et Jóhann Jóhannsson qui apportent à la fois une touche de légèreté, de poésie et d'étrangeté), un très bon scénario adapté du livre de Ted Chiang et une direction d'acteur au top. Ce film trône à mes yeux sur le podium des meilleurs films de 2016 et nous permet de rester optimiste pour la suite du mythique "Blade Runner" que Denis Villeneuve est en train de réaliser.
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le 13 mai 2017
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