Denis Villeneuve a une façon assez unique de transformer un sujet destiné à un gros blockbuster qui tâche en une oeuvre sensorielle, anti-spectaculaire et intelligente. Attisant, de ce fait, aussi bien des fans absolus que des détracteurs allergiques. Prisonners aurait facilement pu partir dans le thriller hard-boiled "je casse les dents de Liam Neeson", Sicario semblait prédestiné à alimenter un énième un règlement de compte force de l'ordre/cartel sanglant et bourrin, et aujourd'hui, c'est pas l'intrigue de Premier contact qui nous fera mentir puisqu'il est tout bonnement question d'une invasion extraterrestre !


Un postulat de départ vu et revu, certes, mais toujours aussi passionnant grâce à la promesse d'une portée aussi bien philosophique que divertissante. Pour cette fois, le réalisateur d'Enemy traite son sujet d'une façon qui pourrait en dérouter plus d'un. Bien loin des explosions d'Independence Day ou d'un survival à La Guerre des Mondes, plus proche d'une ambiance à la Contact ou Rencontre du Troisième type, il aborde ce genre de cinéma nouveau pour lui à sa manière habituel : avec lenteur, exigence et surtout sournoiserie.


Ici, le sensationnel n'a pas sa place : l'arme de destruction massive s'appelle le langage. La communication. Soit la parfaite faiblesse de l'humanité - dont est dressé un tableau loin d'être reluisant. Car en l'absence de Président du Monde, face à une telle situation, les pays ont leur propre vision des choses - ce qui donne lieu à des réactions qui, selon votre degré de cynisme, peut s'avérer soit réalistes, soit très clichées (méchantes Russie et Chine, grandiose Amérique).


Cependant, même en l'absence d'action spectaculaire, Premier contact possède une tension qui, comme pour son héroïne, épuiserait presque. Découvrir la raison de la présence de ces 12 cailloux venus du ciel, le tout dans un délai imparti : la construction narrative permet de ne jamais s'ennuyer. Mieux, elle accroche vraiment quand il s'agit déchiffrer les codes du langage de ces heptapodes inquiétants. Et pourtant, là n'est pas le cœur du récit.


Non, avant d'être une oeuvre de science-fiction pure et dure, le film est surtout un drame intimiste extrêmement poignant. La nouvelle de Ted Chiang dont est tiré Premier contact (Arrival en VO) ne s'appelle pas L'histoire de ta vie pour rien. Cette "invasion" n'est qu'un prétexte : l'intérêt est tout autre. Villeneuve s'intéresse bien plus à Amy Adams - qu'on découvre dans une scène d'introduction vibrante de tragédie - qui certes interprète une experte linguistique engagée pour une mission bien précise et vitale, mais dont on appréhende avant la préoccupation ses craintes, sa tristesse, ses croyances.


Croyances qui vont être bousculées, malmenées dans un final puissant, où une langue va tout changer, que ce soit l'approche des hommes à leur monde, à d'autres mondes, à la temporalité, à la façon dont l'humain perçoit la linéarité de sa vie, servi par une mise en scène bouleversante. Alors que l'affiche prône un plutôt basique "pourquoi sont-ils ici ?" - et c'est frontalement l'énigme du film -, on se rend compte finalement que la vraie question devient "qui sommes-nous ?".


Un véritable tour de force, quand bien même des détails font tiquer. En vrac, on pourrait reprocher ces ellipses mal foutues ; ce concept de ne choisir qu'un seul traducteur alors que d'autres pays en ont toute une armée - et que cette seule traductrice est forcément un pur génie - ; le son émis par les heptapodes, entendu d'innombrables fois ; ou encore un Forest Whitaker désincarné.


POUR LES FLEMMARDS : Avant d'être une oeuvre de science-fiction "au temps" nébuleuse que captivante, Premier contact est un drame intimiste extrêmement poignant.

Djack-le-Flemmard
7

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le 14 déc. 2016

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