Le lexique du temps
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Si le réalisateur canadien Denis Villeneuve alterne le bon et le moins bon, il conserve une telle intelligence qu'il reste à suivre quoi qu'il arrive. Il adapte ici une nouvelle de Ted Chiang dont je n'avais jamais entendu parler. Le vrai intérêt de l'histoire et donc du scénario, c'est l'approche de l'humanité vis-à-vis d'une intelligence venue de l'espace. On nous a trop souvent illustré le cliché des petits hommes verts pour dénigrer ce que montre Premier contact. Les scientifiques le disent, si la vie est apparue sur Terre, la probabilité existe qu'elle soit apparue ailleurs dans l'univers. Forcément ça donne à réfléchir. Y a-t-il des lois universelles qui dicteraient à la nature comment la vie pourrait apparaître, se développer puis évoluer ? Du haut de nos petites certitudes de terriens issus de quelques milliards d'année d'évolution, ceux qui veulent bien réfléchir sentent que tout est possible. Cela va de la forme physique des créatures intelligentes à leur stade d'évolution des connaissances scientifiques, à leur façon de se déplacer, communiquer, ainsi qu'à ce qui se passe dans ce qui leur sert de cerveau pour réfléchir. Traduction en langage terrien : Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Que veulent-ils ?
Tout cela, le film l'illustre avec intelligence. Les créatures venant de l'espace ont une apparence inattendue et si un premier contact s'établit, les réponses aux questions fondamentales tardent à trouver une vraie réponse. La faute à une façon de s'exprimer totalement inattendue. Je ne sais pas comment c'est dans la nouvelle de Ted Chiang, mais je dis merci à Denis Villeneuve d'avoir trouvé le moyen de concrétiser à l'écran une façon de s'exprimer qui bouscule tous les préjugés. Ce n'est pas parce que nous faisons des phrases avec des mots ou des idéogramme que tout langage doit obligatoirement se constituer sur ces modèles. Pour ces heptapodes venus du fin fond de l'espace, la notion de phrase existe-t-elle seulement ? Peuvent-ils seulement imaginer qu'on puisse leur poser des questions ? Ce simple mot a-t-il un sens pour eux ? Voilà qui remet beaucoup de notions en question. J'ai beaucoup apprécier aussi qu'on évoque le fait que l'utilisation d'un langage avec ses modes de raisonnements puisse avoir une influence sur le cerveau lui-même. Bon, tout ça c'est de la théorie qui passe rapidement parce qu'on est au cinéma et qu'il faut faire avancer une intrigue. Donc on passe rapidement sur tout le travail des spécialistes, enfin de la spécialiste des modes de communication, joué par Amy Adams. Quand même, illustrer ce travail de réflexion dans un film, voilà qui mérite d'être signalé.
L'autre volet important du film, c'est l'aspect technique lié au thème science-fiction. Denis Villeneuve ne cherche pas à en rajouter du côté des effets spéciaux, juste ce qu'il faut pour contenter un public friand d 'images originales, mais ce qu'il faut aussi pour conserver l'attention de son public qui cherche du solide à se mettre sous la dent question scénario.
Donc, le film montre bien l'approche entre deux civilisations, la peur de ce premier contact vu du côté terriens, le dépassement des différences et la tentative pour une vraie communication. On ne s'attarde évidemment pas sur le mode de vie des heptapodes, puisqu'on ne sait rien d'eux, leur apparence physique n'étant dévoilée que très progressivement. Par contre, les réactions humaines à un débarquement inconnu venu de l'espace sont tristement significatives : peur, fuite, panique et donc agressivité latente. La tentative d'organisation est avant tout tournée du côté de la méfiance. Et après on s'étonnera que dans la vie réelle, les aliens ne débarqent jamais...
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le 21 déc. 2016
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