Me voilà en tout cas sûr d'une chose : Blade Runner 2049 me rassure, car dans les mains d'un homme qui sait ce qu'il fait en matière de SF, à savoir Denis Villeneuve, valeur montante du cinéma hollywoodien. Premier Contact est non seulement le premier film de science fiction du réalisateur mais aussi un premier essai, convaincant, avant de s'attaquer à un monstre sacré de la SF, Blade Runner, film attendu au tournant, et de terminer par Dune.


Premier Contact est un délicat mélange entre les films d'invasion comme Independance Day et le film de rencontre comme Rencontre avec le Troisième Type de Spielberg, dont il reprend un des thèmes, la possibilité de communiquer avec les extraterrestres. Mais Premier Contact est d'abord un film d'introspection. C'est un film lent, qui se construit, peu à peu, qui se heurte à l'altérité, de manière étrange et sidérante.


Louise Blank (Amy Adams) est une linguiste réputée, qui a perdu sa fille Hannah, atteinte d'un cancer et dont la mort la hante. Lorsqu'"ils" arrivent, dans de grandes soucoupes somptueuses, monolithiques, sans aspérités, tels les objets célèstes de Kubrick dans 2001, l'armée américaine fait appel à son expertise ainsi qu'à un physicien (Jeremy Runner), pour déchiffrer et connaitre les intentions de ces nouveaux arrivants. La terre s'agite, la peur envahit les peuples et les gouvernements. Les politiques peinent à s'entendre sur une résolution commune, chacun garde ses découvertes pour soi, l'ambiguité plane. La rue s'embrase, la violence aussi.


Mais Louise Blank, elle, rencontre les autres, des heptapodes, entre éléphants et méduses, jamais vraiment visibles, et assez peu montrés, ce qui est savoureux, vivants derrière une grande baie vitrée et baignant dans un liquide cotonneux. Ils parlent mais on ne les comprend pas. Alors, elle tente l'écriture, pour communiquer et cela fonctionne. Les voilà qui écrivent à leur tour, une langue étrange, inconnue, sans rapport avec celle de l'esprit humain. C'est une langue sémiasographique, qui s'appuie sur des symboles et non sur la parole orale, quelque chose d'inconnu sur terre et de théorisé dans les années 50. Voilà la véritable originalité du film. Entrer dans cette écriture, sorte de calligraphie à l'encre, fondée sur des cercles et des variables à l'infini, c'est entrer dans un autre monde. La thèse du film est finalement donnée par le physicien lui-même : le fait d'apprendre une langue, ensemble culturel, modifie jusqu'à la perception même que l'on a du monde. Et la perception de Louise change. Voilà qu'elle rêve dans la langue de ces "martiens" dont d'ailleurs on ne sait presque rien, jusqu'au bout du film et c'est ce qui est bien.


Les glyphes en forme de cercle sont complexes. Un jour, alors que Louise pose la question pour laquelle on l'a employé : pourquoi êtes vous sur terre, les extraterrestres répondent une phrase ambiguë qui comporte le mot arme. Mais qu'on peut aussi traduire par outil, par moyen. Et de cette ambiguïté, les gouvernements s'inquiètent. Les militaires se braquent. Certains tentent de faire sauter le vaisseau, en vain. Le thème c'est donc l'impossible dialogue ou communication, entre les ET et les hommes, et entre les hommes eux-mêmes. La guerre est proche, plus encore qu'avec les extraterrestres, entre humains, car la Chine et la Russie braquent leur arme sur les heptapodes et menacent les autres puissances.


Mais, Louise, en décriptant le langage fabuleux de ces êtres sidéraux, atteint un nouveau degré de compréhension du monde. Elle comprend que l'outil c'est elle qui l'a, que l'arme en question, c'est leur langage, un langage qui ouvre de nouvelles perspectives sur le temps - et je n'en dis pas plus, le twist final est intéressant, la scène finale très belle, sobre, puissante. Le premier contact c'est un nouveau degré dans la perception du monde et dans l'intelligence humaine. Cela pose quelques problèmes de cohérence scénaristique cependant.


La musique, l'ambiance, les décors - cette scène où l'ovni plane sur une plaine verte au milieu des nuages est fabuleuse - sont aux petits oignons, si bien que le premier contact a lieu, qu'on découvre par le point de vue de Louise ce nouveau monde. Car la caméra est resserrée sur elle, les flous sont nombreux, l'intérieur, l'intimité, omniprésents, comme pour montrer un cheminement personnel et intimiste. C'est tout le paradoxe d'ailleurs : voilà qu'on rêve de regarder vers les étoiles mais que tout se passe ici, dans l'intimité de la conscience humaine. Le film s'arrête ainsi, ouvrant des portes et posant de nombreuses questions. Il bouleverse, par sa mise en scène assez impressionnante, c'est vraiment esthétiquement sublime - sans être tape à l'oeil. Ces prises de vues grises et pluvieuses, semblable aux Heptapodes et leur étrange écriture, dégagent une forme de mélancolie stylisée et calligraphique.


Hâte de voir ce que Villeneuve va faire sur Blade Runner.

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le 4 févr. 2017

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Tom_Ab

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