C'est La Nuit américaine de Fassbinder, sauf que le réalisateur allemand sortit son film en 1971 (à 26 ans !), c'est à dire deux ans AVANT que Truffaut ne tourne le sien. Je crois avoir lu quelque part que Godard et Truffaut s'étaient vivement querellés (et même brouillés, je crois) à l'occasion, justement, de La Nuit américaine. Peut-être que JLG a alors reproché à Truffaut d'avoir refait à sa sauce, voire plagié en plus fade, le film de Fassbinder, ce qui n'a pas dû faire plaisir à Truffaut. Quoi qu'il en soit, Prenez garde à la sainte putain m'a surpris en bien et... plu. C'est un film excessif, caricatural, outrancier, presque iconoclaste, mais j'y ai pris du plaisir. J'ai suivi avec intérêt cet espèce de huis-clos infernal.
A quoi bon raconter le pitch ? Vous pouvez le lire par ailleurs. Disons seulement qu'on est sur le lieu de tournage d'un long métrage et que toute l'équipe attend : un nouveau déblocage de fonds, la pellicule nécessaire, le réalisateur et la star internationale annoncée.
En attendant, on remarque beaucoup Fassbinder lui-même (on peine à penser en le voyant qu'il n'a que 26 ans) dans le rôle du... "régisseur" (à moitié producteur) qui s'occupe de toute la logistique du film et autres tâches, non directement artistiques, qui n'incombent pas au réalisateur ou dont il se décharge. Celui-ci (il arrive au bout de 20-25 minutes de film) est joué par un Lou Castel (28 ans à l'époque, très blond, beaucoup de cheveux, même corpulence que Fassbinder) qui joue à être Fassbinder (ça n'est pas dit, mais c'est très apparent). Et dans l'histoire, la relation entre le régisseur (Fassbinder) et le réalisateur (Lou Castel dans la peau de Fassbinder) est assez amusante, amicale, déconcertante.
Réunis quelque part en Espagne dans le vaste hall d'une villa-hôtel, les personnages du film passent leur temps à attendre (que les conditions soient réunies pour que le tournage démarre), à picoler (whisky ou Cuba libre), gueuler, geindre, s'embrasser, se gifler, tomber dans les bras les uns des autres, coucher avec celui-ci ou celle-là, dire des méchancetés les uns sur les autres, ou qu'ils sont à bout, qu'ils se cassent du film, etc.. Et c'est paradoxalement vraiment drôle, parce qu'excessif jusqu'au dément. Quel cirque ! Je me suis beaucoup amusé à voir ça et je pense que les films de Fassbinder devaient se tourner un peu dans cette ambiance et avec ces péripéties.
On l'a compris, je recommande Prenez garde à la sainte putain, film aussi provocant et fou que l'est son titre. Je suis persuadé que vous le trouverez, comme moi, passionnant et instructif.