Tribulations d'une équipe de tournage sur une île en Espagne. Eddie Constantine et Hanna Schygulla gardent leur nom, leur statut. La réalité filmée se confond à la réalité filmique. Cette équipe devient progressivement l'incarnation de l'idée de Jean Paul Sartre dans Huis-Clos : "L'enfer c'est les autres".
Mais tout n'est pas aussi simple chez Fassbinder. L'enfer, c'est aussi lui-même. Ce sont ses passions, ses doutes, ses envies, ses échecs qu'il pose à plat, qu'il livre au spectateur, pas d'une façon des plus simples, certes. Car "Prenez garde à la sainte putain" correspond à une rupture totale dans son œuvre. C'est l'avènement d'une expérimentation qui habite tout le reste de sa filmographie. Exit les films noirs, les pastiches des genres qu'il a affectionné, Fassbinder crée sa forme et invoque ses propres démons.
Alors le film n'est peut-être pas le plus prodigieux du cinéaste selon moi (Le point culminant étant pour l'instant selon moi "Le Droit du plus Fort" en 1975) mais il a le mérite d'apporter le sel de son cinéma, de convoquer certains maîtres (au hasard Godard, Fellini pour le film dans le film) pour mieux en réinventer les formes. On ne lui enlèvera pas non plus l'obsession de la chorégraphie, sa manière unique et hallucinante d'utiliser l'espace, d'encadrer ses personnages, ces figures théâtrales, comme si tout ceci n'était qu'illusion, un gigantesque tableau mouvant, un miroir des âmes dans lequel se dessine les passions, les tourments, les coups de gueule d'un génie déjà malade.