Prey
6.2
Prey

Film de Dan Trachtenberg (2022)

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Qui ne connait pas le Predator ? Nemesis incontournable du cinéma américain au même titre que le xénomorphe d’Alien qui malgré ses nombreuses apparitions n’aura brillé réellement qu’une fois dans sa carrière. Un monstre iconique dû essentiellement à son superbe look (merci Stan Winston) et à un premier film culte réalisé de mains de maître par un tout jeune John McTiernan, dont c’était le deuxième long-métrage.

Réalisé en 1987, Predator fut (évidemment) boudé par la critique à sa sortie mais plébiscité par les cinéphiles et les « rats » des « feu vidéo club » dont je faisais partie. Depuis (évidemment), le premier film réalisé par John McTiernan fut réhabilité par la critique. Mais comme toujours avec le consensus critique, le cinéma est jugé à travers le prisme de son époque. En 1987, Predator est un survival bestiale, testostéroné un max pour le plus grand bonheur des spectateurs en recherche de sensations fortes avec une promesse à la fois d’horreur et d’actions. C’est une pure serie B musclée qui offre l’un des meilleurs combats finals de l’histoire du cinéma. En 2022, le film devient « une critique du masculinisme » renvoyant le stéréotype 80s du cinéma d’exploitation américain emmené par Arnold Schwarzenegger à une ringardisation consciente de la part des créateurs. Ce qu’il n’est évidemment pas. Le film a vieilli dans sa représentation de la virilité mais il a gardé toute sa sauvagerie notamment son incroyable mise en scène autour d’une jungle étouffante.

Epoque oblige et après plusieurs nanars qui ont tenté de capitaliser sur la créature légendaire, Disney (après son rachat de la 20th Century Fox) tente une approche contemporaine du mythe.

Prey du réalisateur Dan Trachtenberg (le sympathique 10 Cloverfield Lane) repose sur une excellente idée : une origine story prenant place dans la nation Comanche. Un espace qui sied parfaitement au Predator sans pitié, suréquipé technologiquement face à des indiens d’Amérique n’ayant que leurs talents d’instincts et des armes primitives comme moyen de défense. On suit donc le récit initiatique d’une jeune comanche désireuse de ressembler à ses frères, qui va devoir sans le savoir affronter le terrifiant Predator.

Il n’y a rien de wokiste dans ce postulat. Entendons-nous bien. Les femmes comanches étaient des gestionnaires de camp. (Les filles apprenaient à ramasser le bois, des baies, des noix et des racines, à coudre, à préparer les repas, les peaux et faire les tipis…). Il n’est pas impossible d’imaginer qu’elles pouvaient désirer ressembler aux guerriers qu’elles admiraient, autant qu’on imagine un extraterrestre assoiffé de sang atterrir dans une nation comanche.

De plus, des héroïnes bad ass au cinéma, ce n’est pas nouveau. Je citerai notamment Ripley (Alien), Sarah Connor (Terminator) et j’ajouterai The Boss dans le jeu vidéo culte d'Hideo Kojima Metal Gear Solid 3 : Snake Eater qui sont des personnages crédibles de par leurs interprètes et leurs écritures.

En tant que genre « survival », Prey rempli son contrat. Enfin… presque. Le film est très bien mis en scène, les espaces sont magnifiés et variés. Et la première heure arrive même à donner quelques frissons grâce une exposition parcimonieuse et bien pensée du Predator.

C’est malheureusement durant sa deuxième partie que la vision se fait « lourde » et beaucoup moins surprenante cochant les cases du film pseudo militant devenu visiblement et tristement obligatoire pour les majors hollywoodiennes.

Ainsi, lorsque les « blancs » apparaissent, ils sont naturellement dépeints comme des imbéciles, vulgaires et sadiques. Pourquoi pas ai-je envie de dire. Le problème c’est que le réalisateur en fait soudainement les véritables méchants de l’histoire, en filmant leurs massacres comme un plaisir sanglant non dissimulé avec un Predator dont les combats deviennent soudainement « stylés » !

Où sont donc passés la sauvagerie et l’aspect primitif du début ? Le réalisateur (forcé sans doute par la production) a trouvé malin de chorégraphier de manière ostentatoire les affrontements afin de rendre le Predator respectable (et cool ?) face à la vulgarité d’un autre âge du forcément « colon blanc ».

Après ce faux pas lié à un politiquement correct très mal placé, comment voulez vous que la suite du métrage fonctionne ? Le Predator redevient durant le final, un monstre à la fois stupide et costumé (l’ostentation chorégraphique fait ressortir l’homme sous le costume). Terminé les frissons… le film est en mode automatique.

Avec un pitch « droit au but » et le savoir faire du réalisateur, de son équipe, du casting (la superbe et expressive Amber Midhunter) et les moyens d’aujourd’hui, il y avait de quoi tenir la promesse et renouer, voire surpasser par certains côtés le premier film !

Au lieu de ça, Prey se vautre dans sa deuxième partie dans un exhibitionnisme des valeurs contemporaines. Une décision éhontée portée par un capitalisme qui se pare d’apparats aux valeurs censées être indiscutables sur le plan moral pour mieux finalement dénaturer, gâcher, démolir des intentions cinématographiques sincères et surtout cohérentes !

Au final, la production Disney accouche d’un croisement entre Predator et un vulgaire tract de propagande. Ce n’est pas un nanar. Mais sa deuxième partie est nettement inférieur à la première. J’aurai préféré un croisement avec le sublime Hostiles de Scott Cooper. C’est le cynisme de notre époque qui empêche de tel croisement ambitieux. Pour Disney, Predator n’est rien d’autre qu’une vulgaire série B, un appât à spectateurs. Sa vision rejoint ainsi celle du pseudo intellectualisme qui règne dans les salons Parisiens. Un « contenu » idéal pour « contenir » toute l’idéologie dominante dont il fait bon d’exhiber, au détriment de l’intention et la cohérence cinématographique.

Evidemment, les productions savent qu’avec de telles manœuvres, elles auront l’appuis de critiques prompts à flatter leur contemporanéité par confort de l’opinion plutôt que de la questionner. De la paresse intellectuelle, il en fut également question lors de la posture soit-disante « anti masculiniste » du film de Ridley Scott, Le Dernier Duel. Alors que c’est évidemment bien plus complexe que ça. (Indice : Jacques Le Gris (Adam Driver) et Pierre d’Alençon (Ben Affleck) n’ont rien de masculiniste ou virile. Au contraire, d’un Jean de Carrouges, leurs valeurs qu’ils prônent sont modernes et féministes : c’est le plaisir, soit l’hédonisme contre l’héritage du stoïcisme dont émane la chevalerie d’antan… cette vieille et rugueuse noblesse certes, mais dont la dignité morale exigeait de proscrire la triche et le complot).

Tirry
6
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le 12 août 2022

Critique lue 78 fois

Tirry

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