Sorti en 1987, ce film fait suite au coup critique infligé à Carpenter par l’échec commercial du pourtant génialissime Big Trouble in Little China et marque le retour (forcé ?) du réalisateur vers le cinéma indépendant. Comprenez par-là que personne ne voulait lui filler de thunes et que par conséquent il a dû boucler son film avec un budget ridicule de trois millions de dollars. Et c’est là tout le drame de cette histoire. Parce que certes dans l’idée on est sur quelque chose à peu près au niveau de The Thing, mais mettre en scène l’arrivée du fils de Satan (car c’est bien de ça qu’il s’agit) avec aussi peu de budget ça constitue quand même un sacré challenge, même pour Big John.

Malgré les difficultés financières, la maestria du maître de l’horreur se fait ressentir dès la première demi-heure (bien aidée par une bande originale comme souvent signée par le maître en personne) pour nous conduire tranquillement à un huit clos pourtant pas si évident à mettre en place. Comme il sait si bien le faire, Carpenter distille de petits indices montrant que la réalité n’est plus trop ce qu’elle est censée être entre deux scènes banales, ces dernières servant à présenter les étudiants. En l’occurrence, on s’en tape un peu tellement leurs personnages manquent de personnalités et n’influent pas sur le déroulé des évènements.

Les protagonistes se réunissent dans l’église (là où se déroule la majeure partie du film) pour y mener à bien des tests sur le liquide vert dont il est question dans le synopsis, les universitaire cherchant en l’occurrence à savoir de quoi il s’agit. À partir de là, tension et paranoïa sont censées grimper à l’unisson mais le comportement discutable des personnages commence à poser problème, tout comme le jeu des acteurs. Et c’est là que le budget du film montre ses premières limites et que Carpenter n’y peut rien : les acteurs sont presque tous tristement mauvais. Heureusement, la présence conjointe de Donald Pleasence et Victor Wong élève le nombre d’acteur talentueux de ce film au nombre incroyable de deux.

Pour autant, l’atmosphère du film n’en est pas moins lourde et poisseuse. Pour sa part, la menace est invisible, on ne peut donc que la ressentir. Cela nous permet de rester dans le film en dépit du jeu des acteurs et de la lenteur relative de l’intrigue. D’autant plus qu’avant que la tension n’atteigne son paroxysme, Carpenter nous propose une image très intéressante dessinant la science et la religion sur un pied d’égalité, et surtout complémentaire. Les deux camps doivent alors se résoudre à accepter l’invraisemblable, l’inenvisageable.

Le film n’est donc pas dépourvu de bonnes idées, loin de là. On retrouve même une métaphore servant de fil conducteur (comme le jeu d’échec dans The Thing) avec en l’occurrence la symbolique du miroir ainsi que le cylindre dégoulinant, suintant de plus en plus tout comme la menace du Prince des Ténèbres. Malheureusement, à aucun moment le film ne parvient à être à la hauteur de cette image ou même de ses idées, la faute aux acteurs donc, mais également aux effets spéciaux.

En même temps difficile de blâmer l’équipe du film pour ça, leur budget étant tellement sérré qu’il était évident dès le départ que les effets spéciaux n’allait pas casser la baraque. Du coup aujourd’hui, plus de 25 ans après la sortie du film, force est de constater que ça a très mal vieillit. Par conséquent et bien malgré lui Prince des Ténèbres symbolise le summum du kitsch. Difficile donc d’y accorder du sérieux à moins d’aimer ce charme si particulier qu’ont les productions des années 80, ridiculement géniales.

Au final, vous aurez compris qu’il est très difficile de juger ce film. Plutôt très bon dans son fond, mais raté dans une bonne partie de sa forme, c’est l’exemple parfait du film qui selon moi est en droit d’attendre qu’un réalisateur en face un remake à la hauteur de ses idées, avec un budget et la technique adéquat. Mais malgré tous ses défauts, il reste une œuvre importante de la filmographie de son réalisateur, et mérite d’être vu par les amateurs d’épouvante, que ce soit pour quelques frissons (parce qu’il reste capable d’en procurer grâce à son ambiance) ou quelques rires nanardèsques.
Colin_Puyfagès
6
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le 5 janv. 2014

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Colin Puyfagès

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