"On a toujours besoin d'une brouette"
Fermez les yeux.
Ouvrez votre livre de souvenirs.
Vous avez dix ans.
Vous êtes malade. Oh ! rien de grave, une petite crève peut-être, ou plus sûrement un gros manque de motivation pour aller à l'école, parce qu'aujourd'hui il y a sport et il faudra courir et que vous, courir, vous n'aimez pas. Donc, vous profitez de la naïveté de papa et de la tendresse de maman, vous collez le thermomètre près de l'ampoule bien chaude, et vous voilà avec 45,8°C de température. Cloué au lit !
Idéal, surtout quand vous avez la console dans la chambre. La journée à pouvoir jouer tranquille...
Sauf que...
Sauf que maman a fait appel à Papy.
papy, c'est pas que vous l'aimez pas, mais il est très embêtant. Quand il arrive, il vous pince la joue, et vous n'aimez pas ça. Et puis, il parle sans cesse, et ça ne vous intéresse pas du tout. En plus, maman vous oblige à ne pas jouer quand papy est là.
Tiens, papy a apporté un cadeau. Avec un peu de chance, c'est un nouveau jeu.
Ben non. C'est le plus inutile de tous les cadeaux.
Un livre !
Et vieux ! Et gros, avec aucune image.
Le truc chiant !
Et voilà qu'en plus, non seulement vous pouvez pas jouer, mais il faut écouter papy qui raconte son histoire.
Un conte. Avec une jolie femme appelée Bouton d'or et un mignon serviteur appelé Wesley. Et ils s'embrassent ! Pouah ! Dégoûtant ! En plus, c'est pour les filles...
Mais vous vous laissez prendre à l'histoire. Les trois "kidnappeurs", à la fois ridicules et terrifiants. Les anguilles monstrueuses. L'aventurier masqué. Les duels. Le prince méchant. Il y a là tout ce qu'il faut pour un spectacle passionnant. L'imagination est au rendez-vous.
Et l'humour aussi !
Et le fantastique, avec les marais de feu et les RTI (Rongeurs de Taille Inhabituelle).
Tout ce qui fait un conte est réuni ici : royaume enchanté, couple magnifique, méchant très méchant, personnages secondaires sympathiques, rebondissements, sorciers, même les aspects violents et sombres comme la torture.
Mais vous n'avez même pas peur ! Parce que vous savez que ce n'est pas réel, vous savez que tout est là uniquement pour votre divertissement.
Et vous vous laissez piéger par le récit de papy. Parce qu'il est impossible d'en sortir avant la fin. Parce qu'il se passe toujours quelque chose, parce que c'est à la fois familier et inattendu, à la fois sérieux et parodique.
Voilà le plaisir de ce film. Se laisser entraîner comme ce garçon, qui manifestement représente les spectateurs que nous sommes, qui laissons tomber petit à petit notre scepticisme et nos armures pour nous faire happer par ce conte merveilleux. Qui redevenons un petit garçon de dix ans, rêvant d'une Robin Wright lumineuse ou d'un Wallace Shawn hilarant. Le tout sous la férule d'un Peter Falk dont la rencontre est toujours la promesse d'un moment agréable.
Irrésistible.