Tombé par hasard une nuit sur la chaîne barcelonaise Betévé sur ce film post-movida, son caractère original me semble digne d'intérêt pour quiconque lira ses lignes.

Public non averti s’abstenir, voici un véritable film de Terror espagnol, singulier et dérangeant, impossible à sortir aujourd’hui. Un cinéma d’un autre temps, mais du Cinéma sans aucun doute, qui dépasse ses manquements par l’intensité de sa vision et ce qu’il propose.


Un ancien médecin nazi, klaus_ (cf Mengele& co) échoue dans son suicide et se retrouve enfermé dans un poumon d’acier. Sa femme (marisa Paredes, ô combien vue chez Almodovar), va alors louer les services d’une infirmière puis, à la demande de son mari, d’angelo, un jeune homme qui devient ami avec leur fille. Mais Angelo se révèle rapidement comme une des anciennes victimes des expérimentations malades et pédophiles de klaus, qui jouissait de leur peur de la mort avant de les violer puis les tuer. Doté du journal intime de son tortionnaire, Angelo est là pour assumer une vengeance bien particulière…


On est en 1987, quand sort ce film. Naissance de l’Espagne moderne, la constitution espagnole avait été signée à peine neuf ans auparavant, au bout d’une période de transition de trois ans après la mort du dictateur Franco. Les collèges et lycées eux-même connaissaient une politisation vivace, où se traiter de fasciste et de communiste était courant, loin d’une conjoncture française apaisée voire déjà blasée. Des correspondances existent entre le passé de ces deux pays cependant, puisque, comme après Vichy, une loi du pardon fu décrétée en Espagne pour assurer une transition démocratique sans violence. Au même moment Almodovar, le plus connu des cinéastes espagnols désormais, sortait la Loi du désir, tout aussi baroque et choquant que le film qui nous occupe, mais dont le temps a fané la perspective militante, tandis que tràs el cristal n’a rien perdu de son ampleur.


Car voici un film où le thème des victimes du totalitarisme est abordé frontalement, au travers du crime le plus grand que l’homme puisse concevoir, qui est celui de la violence perverse envers les enfants. Et si je prends le temps d’écrire sur ce sujet malade, c’est qu’elles sont rares les œuvres, sur ce sujet, capables d’amener autre chose au débat qu’un récit fragmentaire souvent dénué d’affects pour mieux dire l’horreur. Tandis qu’ici, la narration fictionnelle va autoriser une plongée dans cet affect. Sous la fange, montrer un pédophile comme l’être misérable et aliéné qu’il est, sans le déshumaniser pour autant, ce qui constitue déjà un enjeu en terme de justesse du regard Ce à quoi parvient habilement le scénario en faisant de lui un infirme. Mais le film va au-delà et montre ce que peuvent devenir ses victimes. Alors les thèmes de justice et de vengeance naturellement présents jusque là, croisent ceux de l’idéologie la plus noire, où des médecins tarés se livraient à des expérimentations sur des êtres humains et le résultat, la monstruosité du bourreau, transmise à la victime. Et un monde plus sombre qu’avant, la définition d’un crime contre l’humanité.

Swindgen
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le 23 sept. 2024

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