En 1918, un vétéran anglais des tranchées d'Arras croupit à l'asile. Amnésique suite à un gazage, il n'a aucun souvenir de sa vie passée, et le personnel hospitalier l'a par conséquent surnommé "John Smith". Par un heureux concours de circonstances, il va réussir à s'échapper, et faire la rencontre d'une danseuse de revue qui va s'apitoyer sur son sort et le prendre sous son aile. Rapidement, ils tomberont amoureux l'un de l'autre, se marieront, et auront même un enfant après 2 ans de vie commune. Tout ira bien dans le meilleur des mondes jusqu'à ce que "Smithy" se fasse renverser par une voiture à Liverpool. À son réveil, l'ancien soldat aura recouvré ses souvenirs d'avant 1917, mais il aura tout oublié de son histoire d'amour avec Paula entre 1918 et 1920...
Deux ans après "La valse dans l'ombre", Mervyn LeRoy nous raconte un autre amour impossible sur fond de première guerre mondiale. Le coup de la double amnésie est un peu gros, mais l'histoire est romantique à souhait et s'avère plutôt originale pour l'époque. Le principal souci vient de la durée du film : 126 minutes, c'est long, et "Random Harvest" souffre de sacrées longueurs dans sa première heure. Je comprends que le réalisateur ait cherché à donner de la consistance à ses personnages, mais il s'éternise trop sur des détails insignifiants, et le bégaiement maladroit de l'acteur principal n'améliore pas les choses... Dès que Smithy redevient Charles Rainier, l'intérêt s'accroît nettement pour le spectateur, et l'espoir inlassable de Paula de retrouver un jour un homme qui ne la reconnaît plus a quelque chose d'à la fois admirable et pathétique.
Contrairement au couple Vivien Leigh/Robert Taylor qui fonctionnait à merveille dans "La valse dans l'ombre", l'alchimie entre Ronald Colman et Greer Garson n'est pas des plus évidentes : leurs baisers manquent de fougue, et on ne retrouve pas dans leurs yeux la petite étincelle qui est généralement cruciale dans tout mélodrame qui se respecte. L'acteur à la petite moustache se contente d'imiter Clark Gable du mieux qu'il le peut, et quitte à choquer certains de ses fans, je dois bien avouer que Greer Garson m'a laissé complètement indifférent.
Autre défaut qui saute aux yeux : alors que l'intrigue s'étale sur une période allant de 1918 à 1935, Smithy et Paula ne prennent pas une ride et restent toujours aussi jeunes et fringants du début à la fin du film. Bonjour la crédibilité ! J'ai également été assez mal à l'aise vis-à-vis de la relation quasi-incestueuse entre Rainier et une nièce par alliance à peine âgée de 15 ans... C'était gratuit et complètement inutile, et j'ose espérer que ça n'est pas représentatif des mœurs de l'époque...
Globalement, ce long métrage nommé 7 fois aux Oscars n'est pas irréprochable, et il lui manque une grande scène mythique pour pouvoir rivaliser avec "La valse dans l'ombre". Mais il vaut tout de même le coup pour sa dernière demi-heure largement basée sur le non-dit. Mine de rien, le retour du héros amnésique sur les lieux de son grand amour fait son petit effet, et après une si longue frustration, on pourra simplement regretter que la fin ait été à ce point expédiée.