La beauté et la réussite rare d'un amour entre deux jeunes pendant la Guerre de Cent Ans

Les noms des personnages sont Heron de Foix (joué par Assi Dayan, alors prénommé Assaf pour un de ses films de jeunesse), Claudia de Saint-Jean (jouée par Anjelica Huston, qui a 16 ans), Mesle de Boheme, et deux Robert Lorris, le Jeune et l’Aîné (lequel est joué par John Huston lui-même). Ces noms exotiques et médiévaux résonnent avec les décors et les costumes réalistes et simples qui évoquent les gravures d’époque, et avec les châteaux et les paysages (ceux de l’Autriche car le film a été tourné en 1968 quand la France en grève generale était inaccessible).

Quand on résume le thème du film, on pense à une tragédie.

Un étudiant roturier et poète quitte Paris à pied pour découvrir la mer, traverse la campagne, découvre en rencontres successives : paysannerie et noblesse qui s’affrontent en jacqueries et ripostes ; pénitents et ménestrels ; soldatesque assassine ; anciens croisés ; chevaliers affamés persécutant les pauvres ou bien déçus de cette déchéance morale et ralliés aux paysans ; religieux exaltés et haïssant toute chair heureuse. Il trouve l’amour d’une jeune noble orpheline et il renonce à poursuivre son périple jusqu'à la mer, qu’il a rêvée, car leur amour est complet : il est courtois et aussi charnel, et il résiste aux drames alentour et aux différences de naissance. Avec elle, qui devient lasse de fuir comme tous le font dans cette Guerre de Cent Ans qui n’en finit pas, ils décident de se laisser occire par les prochains tueurs, lesquels on ne verra pas et qui peuvent être de n’importe quel bord.

Le pincement qu’on ressent à une fin si dommageable pour des jeunes gens si doux au fond d’eux-mêmes est très atténué par la narration paisible, qui évoque les contes et les fabliaux du Moyen Age par ses courtes saynètes qui s’enchaînent, avec chacune son apport spécifique : un petit récit centré sur une découverte de personnages, de situations, avec son originalité visuelle et sonore (magnifique musique de Georges Delerue). 

La fin nous soufflerait-t-elle l'idée éthérée que "l’amour est plus fort que la mort » ? C’est moins convenu que ce romantisme là car ce que ce film nous dit est différent. Dans un monde en ruines, où on ne cesse de côtoyer des morts atroces, si contre toute attente et toute adversité on a connu un vrai amour partagé, on peut abandonner ensuite ce milieu avec une certaine sérénité en choisissant son sort, plutôt qu’il vous saisisse malgré vous dans des griffes dégradantes (qu’on vous tue dans l’infamie, ce qui arriva souvent à cette époque troublée). Ainsi la fin, qui est suggérée et non montrée, ne nous choque pas et nous gardons de l'histoire le goût de la beauté et de la réussite rare de cet amour entre deux jeunes. 

Le film est sorti en 1969, et si on ressent l’influence culturelle et politique de ces années-là, cela n’altère pas sa tonalité de "ballade du temps jadis".

On dit que Huston, adaptant le roman de Hans Koningberger avec le scénariste Dale Wasserman, s’opposa à ce dernier qui voulait en faire une allégorie anachronique de l’esprit hippie dans une histoire du Moyen Age.

On reconnaît bien là (et on admire) le grand John Huston, scénariste brillant dans sa jeunesse avant de devenir réalisateur, car il réussit au contraire à donner une valeur universelle et de tous les temps à un film censé se passer en 1356 et tourné en 1968 .

Michael-Faure
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le 13 oct. 2024

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