Oui, d'accord, les scénaristes de Prometheus méritent quelques baffes. Une avalanche d'invraisemblances, d'incohérences selon certains. Je dirais plutôt que le scénario est tellement brumeux et bourré de raccourcis incertains que le moindre élément peut prêter à débat. Une fois ceci admis, les spectateurs qui se contentent de lister les scories du scénario pour démontrer à quel point le film est nul me font penser à des personnes qui s'amuseraient à compter les boulons rouillés de la tour Eiffel pour démontrer à quel point elle ne mérite pas d'être regardée. Le cinéma ne peut pas être une retranscription parfaite du réel, c'est un art fait de raccourcis et d'images symboliques, chez Carpenter comme chez les frères Dardenne. Après, chacun a un seuil de tolérance plus ou moins élevé à ces raccourcis.

Par exemple, la scène de l'opération. Une machine à la pointe de la technologie qui recoud les plaies avec de grosses agrafes en métal au 21ème siècle, sur le papier, c'est ridicule, c'est absurde. A l'écran, mon inconscient cinéphile se dit juste que c'est une astuce graphique, une façon de faire ressentir le stress de l'héroïne de manière plus percutante, son envie de se faire refermer le ventre au plus vite, quel que soit le moyen, pour échapper à la menace qui pèse sur elle.

Finalement, les reproches faits au film me rappellent les débats qu'a suscités Lost en son temps. Certains étaient très énervés de ne pas tout comprendre de A à Z, quand d'autres s'en foutaient totalement, pourvu que l'univers leur semblait avoir un minimum de cohérence interne, et que quelques belles images s'imprimaient dans leurs rétines pour leur suggérer les zones d'ombre, que les autres voulaient absolument déchiffrer, nommer, maîtriser. Les cartésiens pointilleux, contre les doux rêveurs prêts à cracher, l'espace d'un instant, sur la rigueur scientifique, la précision mathématique, la précision du quotidien (combien de fois allons-nous aux toilettes dans une journée ?). Bref, tout ce qui n'a rien à voir avec l'essence profonde du cinéma.

Pour moi le cinéma c'est avant tout la mise en scène, l'ambiance et les émotions qui découlent d'une succession d'images, de musiques, de mots. Un scénario bas de gamme, un scénario qui tient sur un post-it : pas de problème, si le réalisateur a un minimum de talent. Dans Prometheus, le scénario sert souvent de prétexte à nous fournir ce pour quoi on est venu : une atmosphère angoissante, des scènes marquantes. L'image est belle, la mise en scène à la hauteur, Noomi Rapace est expressive, en combinaison comme en petite culotte. Les personnages secondaires sont à peu près aussi cons les uns que les autres, il faut bien l'admettre. Mais quel plaisir de voir enfin une grosse machine hollywoodienne qui sait prendre son temps, nous inflige pas 58 plans à la seconde, accélère quand il le faut, tout en restant parfaitement lisible. Les décors sentent le travail bien fait, beaucoup plus consistants et réalistes (paradoxalement) que le New York d'Avengers.

Enfin, heureuse surprise, la 3D est convaincante. Peut-être la meilleure que j'ai vue pour un film en prises de vue réelles. On se sent immergé dans cet univers, les personnages ne ressemblent pas à des morceaux de papier découpés. Et puis, j'ai même pas retiré une seule fois mes lunettes pour voir si les couleurs étaient mieux sans (ce sera mon argument ultime).
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le 17 juin 2012

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