Retour intriguant de la saga Alien après 15 ans de standby, le projet est d’autant plus attendu qu’il voit revenir Ridley Scott aux affaires, cinéaste particulièrement touche à tout, capable du meilleur (ses trois premiers films) comme du pire (à peu près le reste du temps).
Film bancal et imparfait, opportuniste et audacieux à la fois, Prometheus est un objet étrange et hybride, mais dont les défauts ne doivent pas occulter de véritables mérites.
Une fois n’est pas coutume pour un blockbuster de ce calibre, c’est sur l’esthétique qu’il s’en sort le plus. En 2012, il s’agit de marque le temps parcouru en termes d’effets visuels et de technologie, et le moins qu’on puisse dire est que la partition est sur ce plan de toute beauté. La photo, noire et scintillante, le design des vaisseaux, des accessoires ou des costumes bâtit un univers fascinant et glacial, qui permet un voyage que la SF contemporaine peine souvent à entreprendre. La nature, la dimension minérale jusqu’à la pétrification, ou l’engin crashé devenu un labyrinthe vibrent d’une véritable aura, magnifiée par les irisations des lasers dans des couloirs infinis. On retrouve ici une des constantes de la saga, maintenue à des degrés divers, à savoir la construction d’une atmosphère par la personnification continue de décors le plus souvent malveillants.
Les personnages qui s’y débattent sont donc pour la plupart des morts en sursis, autre grande loin du genre. Pendant à Ripley, le rôle de Noomi Rapace se défend vaillamment, notamment à la faveur d’une scène assez éprouvante d’auto-avortement qui parvient à marier à merveille technologie clinique et gore le plus franc. A l’autre bout du spectre, le droïde David s’affranchit du rôle d’arrière-plan où on l’avait jusqu’alors cantonné, pour devenir un protagoniste qui finira par compter, puisqu’on le retrouvera dans Covenant. L’intrigue, assez ambitieuse dans sa première moitié, interroge les origines de l’humanité – et, en réalité, celles de la fameuse bestiole qui empêche ses victimes de se faire entendre depuis plus de trois décennies. Question de la création, du créateur, et, surtout, de l’intention. A ce titre, la réponse donnée à David sur sa conception (« Parce qu’on pouvait », lui dit un homme) dépasse de loin la boutade, et renvoie une nouvelle fois à la création même des nouveaux mondes que la SF permet, ou l’euphorie le dispute à la mégalomanie. Cette question, qui sera de nouveau abordée (et encore plus sabotée) dans Covenant est le centre névralgique qui justifie une exploration plus avant de la saga, et permet de légitimer de nouveaux volets. Alliée à l’exigence esthétique, on tient là le parfait équilibre pour un film de haute facture.
C’est sans compter sur ce qui a du être considéré comme un récompense de la patience des spectateurs venus en découdre avec du grand spectacle, et qui vautre tout le film dans un déluge boursouflé de grandiloquence, avec crash épiques, attaques alien et jumpscares au rabais. Un exemple comme tant d’autres de sacrifice à la production grand marché, mais qui laisse un goût plus amer que de coutume. Ou quand la réponse proposée aux questions fondamentales repose dans la pyrotechnie, le sang et les coups de mandale, alourdis par un discours chrétien assez puissant pour traverser la galaxie. Oh, America.