Après une première conclusion bancale, un spin-off déjanté et 2 cross-over oscillant entre le perfectible et le raté, cela faisait bien longtemps qu’un film Alien de très grande qualité ne soit apparu sur les écrans, ce retour dans nos salles de cinéma pour 2012, 26 ans après Aliens, avait autant de quoi faire plaisir qu’inquiéter. Le choix de Ridley Scott à la réalisation, ayant initié avec brio la saga et ayant posé les bases de cet univers à explorer, semblait-on ne peut plus logique et rassurant dans un tel contexte, même s’il est depuis longtemps reconnu comme irrégulier dans la qualité de ses œuvres, et le budget historique pour la franchise de 125 millions, s’il ne sera jamais une garantie de qualité ouvre la voie à beaucoup de perspectives.
Il y avait donc de quoi espérer avec ce Prometheus au moins un bon film, peut-être même une résurrection de la franchise avec une toute nouvelle référence du genre de la science-fiction horrifique. Cette proposition va pourtant quelques peu cliver mais plus largement décevoir le public, à commencer par moi.
SCENARIO / NARRATION : ★★☆☆☆☆☆☆☆☆
Prometheus propose donc de revenir en 2093, entre les évènements d’AVP et des Aliens, afin de mettre en contact l’humanité et les reliques d’une ancienne civilisation qui marquerait les prémices d’un contact avec l’Alien qui ne devrait faire son apparition que dans la suite. Le choix a le mérite d’être audacieux et ambitieux même s’il efface de la continuité scénaristique les 2 AVP. Pourtant, la structure du récit est quasiment un décalque du scénario d’Alien VS Predator, ça en est même effarant à quel point ça se vérifie quand on s’y penche de près, ce qui n’est quand même pas bien inspiré, surtout quand le réalisateur prend ses grands airs pour critiquer ce type de production.
L’un des problèmes majeurs du récit est une tonne d’incohérences en tout genre, avec des réactions de personnages en total désaccord avec leur caractérisation ou leur champ de compétence théorique, des usages de technologie avancée sans aucune logique, des détails dans l’univers sans queue ni tête au sein de la saga Alien comme au sein du film lui-même, des décisions très importantes prises d’un coup sans aucune autre explication que pour faire avancer l’intrigue, des morts absurdes à la mise en scène idiote pour des personnages pourtant importants, des absurdités scientifiques à la pelle…
Il est assez fascinant de se demander si les scènes alternatives et coupées n’y auraient rien changer ou si elles auraient réussi l’exploit d’empirer la situation, la seule certitude étant qu’aucune version longue ou alternative n’aurait pu sauver le truc. Le scénario de Prometheus est tout simplement un immense brouillon bourré de mauvaises idées et de maladresses d’écriture, parfaitement incompréhensible pour une production d’une telle ampleur, indigne du mythe Alien auquel il se rattache et l’un des plus gros reproches que j’aurais à faire au film.
Un autre problème majeur, pour ne pas dire gargantuesque, c’est le sens de l’exploration même de cette planète qui est gâché dès la première scène révélant à quoi ressemble un ingénieur. Sans parler de la qualité médiocre de son design, on y reviendra, comment veux-tu créer du suspense et de la surprise quand tu révèles inutilement et grossièrement un élément majeur de ce vers quoi cette exploration doit amener progressivement ? Il en va de même pour l’un des rares twists du film, extraordinairement facile à prévoir en raison d’une scène inutile offrant un indice très important, et qui de toute façon n’amène pas à grand-chose.
Si certains auront apprécié l’interprétation que l’on peut faire de certaines scènes subtils au regard d’un discours sur les croyances religieuses tenant d’expliquer l’origine de la vie et ce qui se trouve au-delà, personnellement je ne vois aucun discours cohérent ou propos intelligent vis-à-vis de la religion à partir des scènes de ce film. A part peut-être le dialogue où David, un androïde créé par l’homme, reproche à l’un de ces derniers de ne pas lui apporter de réponse satisfaisante quand il lui demande les raisons de sa création alors que lui-même recherche une réponse satisfaisante de la part des ingénieurs. Mais qu’est-ce que c’est léger pour constituer une quelconque qualité.
Le seul point positif c’est le casting de très bonne qualité avec notamment Michael Fassbender et Charlize Theron dans des rôles supposément complexes et ambigus, mais les énormes erreurs de scénario les empêchent de briller, ce qui ne fait qu’en renforcer la déception. Beaucoup de personnages secondaires manquent tellement de caractérisation que jusqu’à la fin on continue de voir des membres d’équipage dont on ne sait strictement rien, même après plusieurs visionnages j’ai l’impression que des figurants apparaissent et disparaissent sans raison à l’image.
On pourrait aussi peut-être essayer de sauver quelques répliques du personnage de David qui fonctionnent autant pour le récit que pour décrire les notes d’intention du réalisateur, comme « Big things have small beginnings » ou « Sometimes to create, one must first destroy » mais pour que ces répliques à double sens réussissent il faudrait que le film soit bien meilleur. En l’état, elles ne peuvent que tomber à plat avec le scénario et la narration dans leur ensemble. Sachant tout cela, il faudrait une réalisation et un esthétisme extraordinaires pour faire passer la pilule.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★☆☆☆☆☆☆
Dépassant pour la première fois les 100 millions de budget, Prometheus doit offrir une montée en puissance visuelle significative à la saga. A cet effet, vaisseaux, technologies et paysages sont filmés de manière posée et classieuse, les projections d’hologrammes très nombreuses exploitent très bien la 3D, la brillance des couleurs intenses fait plaisir à voir… mais pourtant plusieurs maquillages sont assez manqués, des filtres visuels pour les souvenirs et les retranscriptions vidéos sont assez désagréables à l’œil, la netteté de l’image peut être mal menée par moments… la technique est donc loin d’être aussi irréprochable qu’espérée malgré qu’elle soit l’un des aspects les moins ratés du film.
Les scènes horrifiques se font attendre pendant toute la première moitié du film avant d’être assez inégales. L’attaque du Hammerpede offre une variation intéressante à celle du facehugger mais la naissance du Trilobite à la manière du Chestbuster est déjà moins réussie, et que dire du simili-zombi berseker et de l’ingénieur tout deux maladroitement amenés et sans aucune intensité horrifique. Le tout dernier affrontement relève un peu le niveau mais sans plus et est bien court. On peine tout de même à croire que le cinéaste d’Alien, référence éternelle en la matière, soit à l’œuvre derrière ce brouillon tout juste passable en étant clément, clairement foiré si je veux être franc.
Si on veut parler de scène d’action, elles sont encore pires avec très peu d’idées de mise en scène originales, une lisibilité tout juste correcte, des incohérences d’une idiotie absolue, quasiment aucune générosité… alors ce n’était forcément l’objectif du film qui se veut davantage portée sur ses thématiques, son suspense et son horreur, même comme il se plante dans tous ces domaines, forcément j’essaye à tout prix de trouver quelque chose qu’il réussirait. Et ce n’est clairement pas là que je vais le trouver quand je pense qu’un réalisateur aussi controversé que Paul W.S Anderson a réussi à faire mieux avec AVP sur la question.
Le design des créatures extra-terrestres inédites du film n’est pas très recherché non plus, tout particulièrement celui des ingénieurs, remarquablement humain comme le film le dit lui-même, mais surtout ridicule et grossier pour moi, alors qu’on aurait pu s’attendre à un design et un travail des costumes plutôt majestueux étant donné leur implication dans le récit et les moyens engagés. C’est d’autant plus dommageable que ce design a été imaginé par beaucoup de fans depuis des décennies à partir de ce qui pouvait être entrevu dans Alien et beaucoup de ces illustrations amateures enterrent six pieds sous terre le design officiel final.
L’OST, composée cette fois-ci par Marc Streitenfeld, inédit pour la franchise mais collaborateur habituel de Ridley Scott les années précédentes, peut compter sur quelques musiques qui savent assez bien faire monter la tension et appuyer efficacement le drame d’une mort durant le film, et c’est à peu près tout. Quelques effets sonores ont un punch bien senti ou offrent un peu de richesse sonore à l’ambiance de quelques environnements explorés, mais un peu comme la technique visuelle, bien mieux pouvait être espéré de ce décevant Prometheus.
CONCLUSION : ★★★☆☆☆☆☆☆☆
Que ce soit sur le plan scénaristique, narratif, technique, artistique, Prometheus ne cesse de décevoir profondément et amèrement par des choix subjectifs mais aussi par des défauts parfaitement objectifs. Même si on peut en sauver quelques aspects de la photographie, une exploitation correcte de la 3D ou un casting avec du potentiel, le projet aurait dû être tellement meilleur qu’il s’inscrit parmi mes plus grandes déceptions cinématographiques. Malheureusement, avec plus de 400 millions de dollars au box-office, Prometheus pulvérise le record de la franchise et invite ainsi à proposer une suite directe dont le défi sera de me décevoir une fois encore, et elle ne va pas se priver de le relever.